CRITIQUE / AVIS FILM - Réalisateur d'"Edmond", Alexis Michalik signe son deuxième long-métrage avec "Une histoire d'amour". Un récit étalé sur plus de vingt ans et mené tambour battant, doté d'un charme, d'une émotion et d'une sincérité qui effacent ses défauts.
Une histoire d'amour : la romance à toute vitesse
Malgré ses maladresses, ses effets numériques hasardeux ou encore la fatigue provoquée par un récit frénétique, Edmond démontrait au cinéma toute la générosité d'Alexis Michalik, son don pour la direction d'acteurs et son sens du verbe. Une histoire d'amour confirme à nouveau tout le talent de ce prodige du théâtre même s'il souffre des mêmes maladresses, du moins dans sa première partie.
Après une brève introduction qui en dit long sur l'enfance de deux personnages, le long-métrage adapté de la pièce éponyme débute sur la rencontre entre Katia (Juliette Delacroix) et Justine (Marica Soyer). Elles tombent amoureuses, emménagent ensemble et organisent une fausse cérémonie de mariage, célébrée par William (Alexis Michalik), frère de Katia et écrivain à succès.
La naissance de cette histoire d'amour correspond aux quinze premières minutes du film. Pour éviter l'ennui d'une histoire qui se passerait trop bien, Alexis Michalik dynamise sa mise en scène en multipliant les ellipses, basant ses transitions sur des gestes répétés qui font voyager succinctement le public au fil des premiers mois de la romance entre les deux héroïnes.
Si certaines répliques paraissent maladroites et que les péripéties semblent expédiées, l'attachement à Katia et Justine se fait immédiatement. Et au moment où rien ne donne l'impression de pouvoir briser leur bonheur et où leur envie d'avoir un enfant grandit, le réalisateur et scénariste fait voler en éclats leur quotidien idyllique.
L'humour comme arme de résistance
Une histoire d'amour interroge sur la possibilité d'une malédiction familiale. Marqués par la mort de leur mère très jeune et par une enfance passée au côté d'un père violent, Katia et William semblent condamnés à ne pas pouvoir préserver le véritable amour. La naïveté de leurs sentiments est contrecarrée par la violence de ce qu'ils traversent. Deuil, maladie, abandon... Le lot commun d'innombrables personnes qui fait que "la vie n'est qu'une tartine de merde" - d'après les mots d'Alexis Michalik - qu'il est indispensable de déguster en essayant d'en ignorer le goût.
C'est lorsque tout commence à aller mal qu'Une histoire d'amour trouve le bon équilibre. Plus le film avance, plus Juliette Delacroix, Marica Soyer et Alexis Michalik trouvent le ton juste et bouleversant pour exprimer la douleur, les regrets et la tristesse de personnages qu'ils ont longtemps interprétés sur les planches. Le metteur en scène assume d'aller sans retenue dans le mélodrame et l'émotion. Mais il cherche constamment à ruiner les larmes par des saillies et des répliques souvent bien senties, qu'il décrit comme "un humour de résistance". Des dialogues qui désamorcent continuellement l'aspect misérabiliste qu'aurait pu avoir le long-métrage, sans pour autant effacer la gravité de ce qui s'y joue.
Une sincérité qui gomme les défauts
Une histoire d'amour a également l'audace d'abandonner plusieurs personnages en cours de route pour se concentrer sur ceux qui étaient initialement au second plan. En seulement 1h30, Alexis Michalik parvient ainsi à raconter plusieurs destins intimement liés. Et si certains personnages sont définitivement brisés, ce sont la force qu'ils ont su inspirer qui permet aux autres d'avancer.
L'amour est, comme le dit William, le sujet principal de la littérature et de l'art en général. Alexis Michalik l'aborde ici sous une multitude d'angles, filmant d'abord une passion avant de se concentrer brièvement sur la relation entre une mère et sa fille, puis de se focaliser sur la capacité de l'être humain à s'accrocher à ses plus beaux souvenirs, pensant ainsi tenir bon, à tort.
Certains pourront reprocher au réalisateur certains passages lyriques sirupeux, à commencer par des adieux prenant la forme d'une danse. D'autres pourront critiquer la platitude visuelle du long-métrage. Aidé de ses excellentes actrices qui ont développé la pièce avec lui, Alexis Michalik s'impose surtout comme un conteur remarquable, qui a peur de l'ennui mais en aucun cas de l'excès. L'inégalité de son geste est éclipsée par sa sincérité désarmante.
Une histoire d'amour d'Alexis Michalik, en salles le 12 avril 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.