"Us" est sans aucun doute l'un des films les plus attendus de cette année. Le seul film d'horreur qui sort au printemps et, le deuxième long-métrage de celui qui a su se faire un nom : Jordan Peele. Celui qui a marqué les esprits avec son "Get Out" surprenant et mémorable, revient avec un film remarquable mais pas tout à fait parfait.
Il nous avait embarqué dans une histoire horrible créant la surprise à Hollywood. Avec plus de 255 millions de dollars de recette pour un budget s'élevant à 5 millions, Jordan Peele avait signé, en 2017, une oeuvre indispensable. Avec Get Out, une nouvelle vague de réalisateurs créatifs et engagés, s'offraient à l'industrie. Plutôt habitué aux seconds rôles comiques, le jeune réalisateur est de retour avec un long-métrage attendu au tournant avec une certaine appréhension et, il faut le dire, une certaine excitation.
Le long-métrage fait avant tout rêver par son casting porté tout en brillance par une Lupita Nyong'o remarquable et un Winston Duke en pleine forme. Le duo est entouré de deux jeunes talents, Sahadi Wright Joseph, qui explore son premier rôle et Evan Alex, que l'on a pu voir dans la fabuleuse série de Michel Gondry, Kidding. La jolie petite famille est accompagnée de seconds rôles de qualité comme celui d'Elisabeth Moss, qu'on ne présente plus. Côté technique, Peele s'est, une nouvelle fois entouré des meilleurs puisqu'on retrouve à la composition, Michael Abels qui signe une partition digne d'un Bernard Herman dont les compositions pour Psychose sont devenus cultes. Quant à la photographie, éblouissante et élément des plus importants dans un film de genre, c'est Mike Gioulakis (It Follows, Under the silver lake) qui en est le responsable.
US(A)
Ce serait un tord, et presque un contresens, de dire que US, à l'instar de Get Out, n'est pas politique. Déjà parce que, toute œuvre est politique, de par le simple fait qu'elle est réalisée dans un contexte économique et sociale, mais ça c'est un débat qui mérite d'autant plus d'être étoffé. D'une autre part, si il est moins radical, ce deuxième long-métrage en jouant sur la notion de miroir et tout ce qui s'en rapproche comme le reflet et le double, offre une critique de la société américaine au sens large. À la manière d'un David Lynch dans Twin Peaks, Peele s'amuse en offrant à ses personnages un double maléfique. Mais la notion du double ne s'arrête pas aux personnages qui se regardent souvent dans le miroir justement ou qui, comme le petit Jason, portent des masques d'Halloween pour cacher leurs émotions. Si le double se retrouve de manière incessante dans la composition des plans, parfois, le jeu du double se retrouve dans le simple fait d'inverser les rôles.
Avec US, le réalisateur met en scène une famille afro-américaine, si le racisme n'est plus totalement le sujet du film comme dans son précédent (mais il n'est pour autant pas absent et les personnages en sont conscients), il n'hésite pas à mettre en valeur cette famille et de faire de la famille blanche, un véritable faire-valoir. Une exception qui fait grandement du bien dans un Hollywood qui a passé des décennies à faire mourir ses personnages noirs dans un premier temps (surtout dans les films d'horreur) et à relayer les familles racisées dans des seconds rôles.
Hollywood, et plus largement, les Etats-Unis, c'est ce que Peele met en scène et on le comprend rapidement quand la phrase "we are americans" est lancée par Red (Lupita Nyong'o). Et finalement, aujourd'hui plus que jamais, les USA sont dédoublés en appartenant, à la fois, à cette "Amérique de Trump" que l'on décrit partout, et appartenant tout autant à Jordan Peele qui expose sans filtres un pays qui veut s'écrire au singulier alors même qu'il est, par son essence, écrit au pluriel.
Miroir, miroir : et si le cauchemar, finalement, c'était nous?
Il suffit de regarder autour de nous, dans les journaux, aux informations télévisées pour voir à quel point notre monde et principalement les humains qui le peuplent sont dans de mauvais draps. On ne peine pas à y voir dans US (qui veut littéralement dire "nous" en français) une critique sociale, celle de l'entre-soi et de la peur de l'autre. Pas de figures monstrueuses conçues en laboratoire ou des visiteurs indésirables tombés du ciel, le danger ne vient que nous et nous l'alimentons constamment. Il joue, une fois de plus sur l'idée du double pour cet "home invasion" (sous-genre du cinéma d'horreur) en invitant les doubles de ses personnages à prendre possession des lieux. Mais sont-ils réellement les imposteurs ?
Un joli paquet cadeau pour un cauchemar puissant, qui nous entraîne dans les limbes d'un monde qui sombre dans une folie inexplicable... ou presque. Si, le film est une réussite en de nombreux points, ce que l'on regrette particulièrement dans ce US, c'est une facilité dans un twist prévisible et aux explications trop poussées. On aurait aimé garder le cap du suspense jusqu'au bout, avec la même aisance d'exécution que la majorité du film qui instaure, à la manière d'un Hitchcock une véritable ambiance. Si, le cinéaste prouve qu'il est dans la lignée des plus grands, en s'amusant sur les références laissées par les maîtres de l'horreur et du genre, il garde assez de distance et de personnalité pour s'en éloigner dignement.
Un cauchemar maîtrisé, intelligent et jouissif, mais à la justesse d'écriture qui, malheureusement, s’essouffle vers la fin, pour nous donner des explications indigestes comme une deuxième part de gâteau en fin de repas.
US, de Jordan Peele, en salle le 20 mars 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.