CRITIQUE / AVIS FILM - Bill Nighy est chamboulé et transformé par une terrible nouvelle dans "Vivre". Un remake du classique d'Akira Kurosawa qui n'apporte rien d'inédit, mais qui bénéficie de l'écriture de Kazuo Ishiguro, l'auteur d'"Auprès de moi toujours" et "Les Vestiges du jour".
Vivre : l'effrayant constat du vide
Remake du film éponyme d'Akira Kurosawa, lui-même inspiré du roman La Mort d'Ivan Ilitch de Léon Tolstoï, Vivre transpose l'action de son modèle dans le Londres de la même époque. Contrairement au long-métrage de 1952, cette relecture ne dévoile pas dès son introduction le terrible constat que va faire le personnage principal, Williams (Bill Nighy), après avoir appris une terrible nouvelle.
Le film révèle d'abord l'image que ses collègues ont de lui. Celle d'un homme discipliné, solitaire et distant. Signant ici le scénario, le romancier Kazuo Ishiguro fait de ce personnage l'équivalent de James Stevens, le majordome des Vestiges du jour. Tous deux sont écrasés par leur conformisme et s'interdisent tout témoignage de la moindre émotion.
Mais contrairement à Stevens, convaincu de l'importance de son métier, Williams l'exerce sans envie et se rend compte que sa tâche administrative est illusoire. Conscient du désespoir qui l'envahit et du peu de temps qu'il lui reste, il décide pour la première de fois de sa vie d'y apporter du changement.
Si Vivre suit la même trame que son modèle, l'intrigue se greffe parfaitement au cadre londonien. Au-delà des rues de la capitale et des couloirs de la municipalité, la maison de Williams résume par exemple parfaitement sa grisaille et sa rigidité.
L'élégance et la retenue de Bill Nighy
Mais malgré sa reconstitution impeccable, le film n'apporte rien d'inédit par rapport à son prédécesseur. Néanmoins, il maintient constamment le rythme et ne s'embarrasse jamais d'éléments scénaristiques superflus. Là où le long-métrage peut être vu comme un complément au drame d'Akira Kurosawa, c'est dans sa manière d'aller à l'essentiel, tandis que son modèle développe davantage le dernier acte.
Le réalisateur Oliver Hermanus peut se reposer sur le talent de Bill Nighy. Celui-ci maîtrise parfaitement les silences et transmet énormément d'émotions pendant ses moments d'introspection. Formidable, le comédien passe d'un état de "zombie", comme le résume sa touchante collègue et amie Margaret (Aimee Lou Wood), à celui d'un homme qui réussit à redonner du sens à son existence.
L'acteur est également très poignant quand il chante, notamment pour rendre hommage à sa défunte épouse. Entre sa première apparition où il se montre totalement impassible et la dernière, musicale et extrêmement douce, Williams s'est transformé. Bill Nighy est toujours dans la justesse pour retranscrire cette évolution.
Le comédien ne titube jamais un pas de trop lorsqu'il est ivre et n'attend jamais trop longtemps lorsqu'il hésite à parler. Malgré la fatalité du récit, le spectateur suit son voyage avec légèreté. Un voyage classique mais qui rappelle une leçon essentielle de façon subtile et élégante, grâce à son scénariste et son acteur principal.
Vivre d'Oliver Hermanus, en salles le 28 décembre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.