CRITIQUE / AVIS FILM - "Voir le jour", avec Sandrine Bonnaire, est une fiction émouvante et sensorielle sur la maternité, sur les femmes qui l’entourent, mais aussi sur les joies et les peines qu’elle procure.
Le quotidien d'auxiliaire de vie
Est-ce parce que le thème de la naissance va droit au cœur des spectateurs ou parce que tous les personnages provoquent l’empathie ? Ou est-ce parce que le film est inspiré de la vie de Julie Bonnie en tant qu’auxiliaire de puériculture (et par ailleurs co-scénariste avec la réalisatrice Marion Laine et Laura Piani), d'après son roman Chambre 2 ? Toujours est-il que Voir le jour se révèle, pour toutes ces raisons, un film lumineux très émouvant et d’une grande intensité, sans pour autant abuser de la corde sensible. Le film parvient en effet à rester à la limite du trop et du trop peu, sans alourdir le côté démonstratif de son sujet : didactique sans être pesant, métaphorique sans excès de symboles, linéaire avec quelques flashbacks utiles.
C’est donc dans les pas de Jeanne (Sandrine Bonnaire) que le spectateur pénètre le service d’une maternité de Marseille et partage un temps la vie de ces auxiliaires de vie, infirmières et sages-femmes. Il les découvre attentives et professionnelles, passionnées par leur métier, et les voit mettre au monde et prendre soin des bébés, rassurer les mamans, sermonner les papas. Si Jeanne, mystérieuse et silencieuse, est mal assurée et doute encore de sa place dans ce lieu, elle entretient des liens forts avec Franscesca (Brigitte Roüan), qui a joué un rôle important dans sa vie. Elle s’ouvre peu à peu à ses collègues : Sylvie (Aure Atika), Mélissa (Sarah Stern), Sophie (Claire Dumas), Marie-Claude (Nadège Beausson-Diagne ) ou la jeune stagiaire Jennifer (Kenza Fortas, découverte dans Shéhérazade).
La réalisatrice réussit d’emblée l’immersion totale et réaliste dans ce service, évoquant subtilement les conditions de travail difficiles, les moyens réduits, le rôle des syndicats, les relations de pouvoir avec le gynécologue Arnaud (Stéphane Debac) ou encore les conflits avec les manifestants anti-avortement. Surtout, Marion Laine propose une mise en scène charnelle très chorégraphiée de ses personnages féminins et fait passer avec douceur sa caméra de l’une à l’autre, d’un corps à l’autre, d’une main qui soigne un bébé à une autre qui guide une maman, des yeux inquiets à des yeux rassérénés. Voir le jour montre très bien comment, tels les instruments d’un orchestre symphonique qui s’accordent dans une musique dissonante et chaotique avant l’accouchement, ces femmes cherchent ensemble, chacune dans son rôle, l’harmonie parfaite permettant d’accueillir le premier cri du bébé qui voit le jour. Leurs gestes sont précis et parfaits, tout s’imbrique correctement.
La naissance d'une vocation
Mais parfois, tout dérape, l’imprévu déboule, la mort aussi. Ainsi la nouvelle du décès de l’un des jumeaux d’un couple venu en urgence à la maternité, qui ébranle l’équipe. Alors que la mère se retrouve dans une catatonie post-natale, le père cherche des explications légitimes et des responsables. C’est le moment que choisit un fantôme du passé de Jeanne pour réapparaître, rajoutant à son trouble de voir sa fille Zoé (Lucie Fagedet) qu’elle élève seule, quitter bientôt la maison pour faire ses études. Malgré elle, Jeanne, qui pensait avoir tiré un trait sur les souffrances qu’elle a traversées en ne les évoquant jamais, n’a d’autre choix que de s’y replonger et d’affronter les questions de sa fille à propos de son père.
Voir le jour suit Jeanne, inquiète pour ces deux êtres, faisant instinctivement le lien entre cette maman danseuse coincée dans son corps et son bébé privé de l’affection momentanée de celle-ci. Elle leur donne des nouvelles et masse avec délicatesse l’une et l’autre, devient un maillon essentiel de leur survie. Se rendant à peine compte de l’incidence de cet événement sur sa propre vie. Car Jeanne renoue avec un sentiment maternel qu’elle n’a pas vraiment eu le temps d’éprouver à la naissance de Zoé, mais aussi avec les souvenirs de son propre corps. Grâce à la performance de Sandrine Bonnaire, actrice fétiche de Marion Laine, et à son casting parfait, Voir le jour offre donc un beau portrait de femme qui ouvre son cœur à nouveau et fait la paix avec son passé. Le film rend aussi un bel hommage à celles et ceux qui donnent la vie et incite à une réflexion profonde sur les choix de vie assumés.
Voir le jour de Marion Laine, en salle le 12 août 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.