CRITIQUE / AVIS FILM – "Wahou !", le dernier long-métrage de et avec Bruno Podalydès, fait partager avec beaucoup d’humour et de poésie la vie de deux conseillers immobiliers.
L’immobilier, source de rires
Le réalisateur Bruno Podalydès fait une jolie proposition aux spectateurs dans Wahou !. Celle d’assister au quotidien de deux conseillers immobiliers, au travers de la mise en vente de deux biens. Il y insuffle l’humour décalé et délicieux qu’on lui connaît (Comme un avion, Les 2 Alfred). Les visites organisées par Madame Bourbialle (Karin Viard) et Oracio (Bruno Podalydès) ont un seul but : provoquer le « Wahou ! ». Cri primal que sont censés pousser les acheteurs potentiels lorsqu’ils ont un coup de cœur. Mais aussi le nom de l'agence dans laquelle ils travaillent.
Si Bruno Podalydès fait pénétrer le spectateur dans les lieux à vendre, c’est surtout l’occasion pour lui d'entrer dans les vies des acheteurs, comme dans celles des conseillers. Car acheter un bien, c’est aussi faire un bilan de vie, se demander si l’on se sent vraiment prêt à sauter le pas. Seul ou avec une mère à peine veuve, un mari qu’on ne supporte plus ou même un groupe avec lequel on partage la passion du chant.
Chacun arrive à la visite avec son lourd sac de soucis et de chagrins, et le laisse parfois s’ouvrir par inadvertance. Ces moments inattendus d’intimité et de confiance qui déversent autant de détresse que de solitude sont très touchants. Dans un subtil jeu de miroir, Madame Bourbialle est la confidente de Clotilde (Florence Muller) ou de Josépha (Agnès Jaoui). Et elle livre aussi sa propre peine à un gentil petit couple Fabian (Félix Moati) et Léa (Leslie Menu).
Wahou ! un petit bijou d’humanité
Car il y a dans Wahou ! un joli travail à l’image de la symétrie ou de l’asymétrie, qui balance de façon équilibrée les personnages les uns aux autres. Avec beaucoup de poésie et d’empathie, Bruno Podalydès observe les ressentis des êtres humains et la société d'aujourd'hui. Certes, son inventaire à la Prévert enfile quelques perles mais elles sont plaisantes, tant elles sont emplies de réalisme.
Ainsi le spectateur assiste à des vies qui se révèlent, se confrontent et parfois explosent. Mais aussi à des liens qui se créent et à d’autres qui se défont. À des conceptions et des objectifs qui semblent en harmonie et qui, au détour d’une phrase ou d’une pièce, se délitent et se noient dans une brume de colère et d’oppositions.
Wahou ! parvient à rendre très attachant le couple formé par Sylvette (Sabine Azema) et Simon (Eddy Mitchell), qui décide en toute lucidité de vendre sa grande maison bourgeoise. Pourtant, il n’est pas simple d’accepter que les acheteurs se projettent dans ce lieu chargé de souvenirs, qu’il est si difficile de quitter. Au sein même du couple, les avis divergent et le spectateur amusé est témoin de leurs tentatives parallèles qui gênent parfois les négociations.
Tout comme les circonvolutions des conseillers ou du jeune stagiaire Jim (Victor Levebvre), qu’Oracio a pris sous son aile… A moins que ce ne soit le contraire. Son regard extérieur permet subtilement de comprendre les conseils parfois surannés et théoriques prodigués par Oracio. D'autant que le jeune homme est malin et bien plus à l’aise que son mentor.
Derrière les murs, le cœur et l'âme
Le portrait plein d'humanité dressé par le réalisateur de ces deux agents immobiliers est certes idyllique, mais il a pris le parti de se moquer gentiment de leurs éléments de langage et de leurs travers. Toutefois, l’argent et le concept de la bonne vente ne lui échappent pas et les investisseurs promoteurs Mr Gratte (Manu Payet) et Mr Ciel (Yann Frisch), qui rôdent sont démasqués.
La force de Wahou ! est d’amener délicatement le spectateur sur le chemin d’une réflexion plus profonde qu’il n’y parait. En effet, que disent les lieux de vie de ses occupants et quelle trace garde-t-ils d’eux ? Peut-on choisir à qui l'on vend et quand faut-il lâcher prise ? Comment les acheteurs s’approprient-ils le lieu? Leur faut-il tout changer, voire tout casser pour se sentir chez eux ? Et au fond, comment l’âme d’un lieu naît- elle ? Qui la lui donne et qui la lui reprend ? Car choisir un lieu de vie raconte aussi beaucoup sur qui l'on est, sur ce que l’on veut et ce que l'on ne veut plus.
Et acheter semble même l’occasion de faire fi de l'avis des autres et de se choisir, soi. Ainsi Swan (Carl Malapa) profite d‘un malentendu avec son père (Roschdy Zem) pour l’aider à acheter et Annabelle (Isabelle Candelier) des réactions de son mari Gérard (Patrick Ligardes) pour lui permettre de s’affirmer. Même s'il manque parfois un peu de peps, Wahou ! se révèle donc un film aussi touchant que réjouissant, qui ouvre le regard sur un métier complexe.
Wahou ! de Bruno Podalydès, en salles le 7 juin 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.