CRITIQUE FILM - Avec "Wardi", Mats Grorud, jeune réalisateur norvégien, signe un premier long-métrage d'animation intimiste et nécessaire sur le conflit israélo-palestinien. Présenté lors du Festival d'animation d'Annecy en 2018, il sort enfin dans les salles et s'impose que le film d'animation de cette fin de mois.
Même si ces dernières années cela disparaît peu à peu, nombreuses sont encore les fois où nous devons rappeler que les films d'animation ne sont pas uniquement pour les enfants. Et quand bien même certains le sont, ce n'est pas un point disqualifiant leur qualité. Cette idée collective qui plane encore un peu trop sous-entend forcément que ce genre de film est moins bon, moins important, voire complètement futile. Nombreux sont les exemples qui peuvent alimenter un débat visant à faire changer l'avis des moins curieux et des plus têtus mais s'il fallait n'en citer qu'un, Wardi, serait probablement le plus cohérent.
Ce que peut s'offrir l'animation est sans limites tant les différentes techniques permettent de mettre des images sur des mots - que parfois on ne peut trouver. Wardi n'aurait probablement pas eu le même impact s'il n'avait pas été fait pour l'animation. Présenté lors du Festival d'animation d'Annecy en 2018, le premier long-métrage de Mats Grorud (après deux courts, Santa Klaus, co-réalisé avec Robin Jensen, et My Grandmother Bejin) n'est pas passé inaperçu. Il faut dire que son sujet n'est que rarement traité et/ou rarement vu au sein des pays occidentaux, dont la France fait partie. À travers les yeux d'une petite fille de 11 ans, Wardi (doublée en français par Pauline Ziadé), le cinéaste aborde le conflit israélo-palestinien sur presque 80 ans.
Une histoire grandiose pour un récit intimiste
Partir d'un conflit aussi ancien que complexe n'est pas une tâche facile, pourtant le réalisateur norvégien, qui fait ses débuts dans la cour des longs, n'a pas hésité une seule seconde. Né d'une mère infirmière dans des camps de réfugié·e·s au Liban, puis étudiant engagé à l'Université de Beyrouth, il a côtoyé pendant de nombreuses années les réfugié·e·s du camp de Burj El Barajneh. C'est grâce aux témoignages qu'il a pu recueillir que le film a vu le jour, et qui a donné, sans aucun doute, au réalisateur, son aspect documentaire et son côté "correspondant de guerre". Une vision indispensable lorsqu'on s'attaque à un sujet aussi difficile et qui ne fait qu'accentuer la qualité du film.
S'il avait pu choisir d'englober tout le conflit, Mats Grorud a choisi de suivre l'histoire d'un lien familial éternel, celui d'un amour entre un grand-père et sa petite-fille. À travers les yeux de cette dernière, et des histoires de son aîné, le récit va coudre une toile de soixante-dix ans réaliste et à la portée de tous. En abordant le point de vue de l'héritage culturel, émotionnel et paternel, le long-métrage dresse le portrait d'une famille et, plus largement, de deux pays en souffrance. Car si Wardi est une petite palestinienne, le cinéaste ne prend pas réellement partie, bien au contraire. Tout comme le conflit est complexe et à nuancer, le récit l'est aussi, notamment illustré par le biais de personnages, comme celui de la Tante Hannan (doublée en français par la formidable Aïssa Maïga) qui fait preuve de beaucoup de sagesse et de recul.
La conscience d'une douleur
Si le long-métrage met en avant cette relation petite-fille/grand-père et ses questions d'héritage, il s'adresse directement au public en mettant en lumière l'humanité derrière ce conflit de guerre. C'est notamment par le biais du personnage de Sidi (doublé par Saïd Amadis), le grand-père octogénaire, que les émotions les plus vives sont transmises. Son récit est raconté sur une durée assez large, où on peut le voir enfant, puis jeune adulte et ainsi de suite. Ce côté "humain" illustre un sentiment difficile à aborder et à montrer : la douleur. Bien que ce sentiment soit très présent, il révèle également celui de l'espoir. L'espoir d'une jeune fille brisée mais fortifiée qui se sert de l'obscurité du monde pour en obtenir sa plus précieuse lumière.
Si le long-métrage aborde un sujet complexe, il s'adresse à toutes les tranches d'âge grâce à son récit clair et instructif. En plus de sa qualité d’exécution (il bénéficie de deux techniques d'animation : le stop-motion et l'animation en 2D), Wardi est aussi nécessaire qu'indispensable pour comprendre, à tous les niveaux, le monde dans lequel nous vivons et évoluons.
Wardi de Mats Grorud, en salle le 27 février 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.