CRITIQUE / AVIS FILM -Après "The Meyeowitz Stories" et "Marriage Story", le cinéaste Noah Baumbach signe son troisième film sur la plateforme Netflix avec "White Noise". Adaptation ambitieuse du roman éponyme de Don DeLillo, "White Noise" est une œuvre contemporaine mais un peu suffisante.
White Noise, un étonnant mélange des genres
Écrit en 1985 par Don DeLillo, White Noise (Bruit de fond en français), est un célèbre roman qui a remporté le National Book Award. Réputé comme étant très difficile à adapter, il dépeint la société américaine de la fin des années 1980 à travers une famille bourgeoise érudite. Le livre est une satire sombre qui aborde de nombreuses thématiques comme le consumérisme, la désinformation, la dépendance aux médicaments, ou encore la désintégration du cocon familial. Tant de sujets qui sont repris par Noah Baumbach dans son adaptation White Noise.
Comme le roman de Don DeLillo, le film de Noah Baumbach mélange les genres avec une certaine maîtrise et surtout de manière très ludique pour les spectateurs. White Noise invoque ainsi la comédie, l'absurde, la science-fiction, le film catastrophe, le film social sur une famille dysfonctionnelle, le polar, et propose même quelques rares visions d'horreur.
Noah Baumbach débute son œuvre avec une comédie légère et absurde. Il se sert de ce prisme pour placer ses pions, notamment dans une séquence d'ouverture bruyante qui dépeint un chaos organisé, sorte de mantra pour le reste du long-métrage. Via la dimension comique il présente ses personnages et cette famille recomposée. On découvre un cocon familial élitiste, vif, bourgeois, intelligent et souvent suffisant, qui tente de rester en dehors de la cohue, mais qui va être finalement comme la foule, incapable d'être réellement différent du reste du monde.
De la comédie à la SF jusqu'à De Palma
Puis, au fur et à mesure, White Noise tombe dans la science-fiction pure. Noah Baumbach met en scène un nuage toxique qui se dirige vers la ville de nos protagonistes comme une véritable invasion extraterrestre. Pendant une demi-heure le long-métrage sollicite le cinéma de Steven Spielberg, rappelle Stranger Things, et met en scène la menace d'un nuage radioactif avec une esthétique proprement hallucinante. Cette fausse invasion alien se transforme ensuite en gros film catastrophe avec son lot de plans en plongée sur des personnages qui lèvent la tête vers le ciel, les traditionnels embouteillages sur des routes bloquées, et la panique d'une foule dépassée par les événements.
Concrètement, c'est la meilleure trajectoire du film avant qu'il ne glisse dans une proposition sociale. Noah Baumbach tombe dans ses travers habituels et ne peut s'empêcher de dépeindre une famille qui se déchire, notamment à travers une dispute de couple qui rappelle incontestablement Marriage Story (la présence d'Adam Driver y est pour quelque chose). Tout ceci pour se conclure dans un polar malsain, qui parodie le cinéma noir de Brian De Palma.
Beaucoup de bruit pour pas grand chose
Ainsi, sur la forme, White Noise est une œuvre extrêmement contemporaine, souvent galvanisante, qui garde l'esprit du spectateur toujours en activité. Il n'empêche que ce chaos organisé est parfois trop balisé, et ne raconte finalement pas grand chose... Il est assez clair qu'avec White Noise, Noah Baumbach veut analyser une société qui a besoin de s'identifier à un guide, à un puissant, à un code de conduite.
Le metteur en scène expose une société qui est obligée de suivre une route prédéfinie pour ne pas tomber dans l'apocalypse pure et simple. Le cinéaste caractérise également une famille élitiste bornée, suffisante, hautaine, persuadée d'être meilleure que les autres grâce à son bagage culturel, mais qui, une fois le cataclysme à ses portes, se comporte exactement comme le commun des mortels.
Noah Baumbach propose aussi une étude de la mort en trois parties - surtout via les personnages d'Adam Driver et de Greta Gerwig. Avec d'abord la fascination de la mort, puis la peur de la mort, avant de conclure sur une morale un peu simpliste : l'acceptation de la mort pour amener à l'acceptation de la vie. Autour de cette articulation finalement très simpliste, Noah Baumbach se perd dans une déferlante d'informations, de critiques plus ou moins pertinentes, et de thématiques parfois simplement effleurées.
Un Noah Baumbach bien vide
Noah Baumbach perd donc son propos dans une frénésie fastidieuse et un peu vaine. White Noise s’agite dans tous les sens comme pour masquer le manque de profondeur de son récit, et de ses thématiques qui restent en surface. Le cinéaste s'égare ainsi entre la satire, des réquisitoires sur la religion, le consumérisme, l’hystérie collective, la désinformation, la mort, et un commentaire sur l'état sanitaire qui fait inévitablement écho au COVID. Ce chaos perpétuel devient rapidement une branlette intellectuelle où Noah Baumbach parle de tout pour finalement ne parler de rien...
Ses réflexions philosophiques deviennent alors de simples observations rhétoriques. La surexposition parfois trop longue de ses situations, inutilement ennuyeuses, manque souvent de folie. White Noise aurait gagné en impact via une narration plus délirante, avec, pourquoi pas, des césures temporelles. Et même si White Noise est une proposition ambitieuse, visuellement superbe, le film pêche par excès de confiance, ou d'égocentrisme, et le cinéaste, à l'instar de son héros, s'égare, dans un vent faussement intellectuel, qui manque d'humilité, et qui n'est finalement que de la poudre aux yeux.
White Noise de Noah Baumbach, disponible sur Netflix le 30 décembre 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.