CRITIQUE / AVIS FILM – Les films musicaux sont très populaires, et chaque année vient avec son lot de films. "Bohemian Rhapsody" et "Rocketman" évidemment, en leur qualité de biopic, ont mis la barre très haut. Pour les autres, "A Star is Born" va très mal vieillir, sans être d’ailleurs vraiment bien né. C’est en descendant encore dans les budgets qu’on trouve des films surprenants, qui parviennent à transmettre une émotion tout en résistant au cercle souvent vicieux du spectacle dans un autre spectacle. C'est le cas de "Wild Rose", le 17 juillet au cinéma.
Inutile de le cacher, Wild Rose est d’une facture très classique. Mais il n’en pâtit jamais. On suit l’histoire de Rose-Lynn Harlan, sans réelles surprises, ni grands doutes sur l’issue de son « voyage ». Le film est le portrait d’une chanteuse de country, dont la vie est très compliquée par son apparente immaturité. Tout juste sortie d’une année de prison, jeune mère de deux jeunes enfants couvés par leur grand-mère (Julie Walters), elle ne rêve que de partir à Nashville. Un voyage à la source de sa musique, mais surtout une échappatoire à un quotidien morose.
Le film musical, spécialité british
L’année a déjà été marquée par Rocketman, biopic sur Elton John. Il y a aussi Yesterday, de Danny Boyle, et bientôt Music of my life. Ces films ont en commun avec Wild Rose d’être tous des productions britanniques. N’en déplaise au reste du monde, les britanniques ont un rapport très fort à la musique, au rock et à ses genres apparentés, et il en va de même pour les films musicaux, pour lesquels ils ont aussi plusieurs longueurs d’avance. Alors, même si Wild Rose ne révolutionne ni le genre musical ni la manière d’écrire un scénario, il a ce charme de la rue anglaise, entre le punk et la mélancolie, qui en fait un très bon film.
La musique, dans le cinéma, est toujours le véhicule d’une émancipation, d’une maturation, elle est un bouleversement qui redistribue les destinées. Trop souvent, l’émancipation passe par l’épreuve du succès et de la gloire, et non par une recherche de l’authenticité ou de l’intégrité musicale. La musique dans Wild Rose est à la fois objet intime, social et artistique, et elle témoigne avec réalisme d’une condition humaine. Humblement, et sans se chercher à tout prix des différences, Wild Rose est de cette catégorie précieuse de films qui ne cherchent pas principalement à se faire remarquer mais à transmettre quelque chose de simple et d'essentiel.
La révélation Jessie Buckley
Si nouveauté il y a, c’est bien la révélation Jessie Buckley. Chanteuse connue outre-manche pour ses performances dans l’émission I’d do anything et diverses apparitions dans des séries, elle s’est révélée au monde entier avec son rôle dans Chernobyl, et maintenant Wild Rose. Sa voix, son allure qui va de sympathique à farouche, sa détermination et sa justesse, tout indique que l'actrice de 29 ans va compter dans les années à venir. Irlandaise, elle interprète une chanteuse écossaise. Chanteuse accomplie, elle incarne une débutante, fan de Bob Harris. Malgré son aisance éblouissante, elle n’est pas si proche de son rôle, et c’est pourquoi sa prestation est remarquable.
Un point intéressant du film est qu’il est radicalement féminin. Les pères sont absents, et les quelques hommes présents s’illustrent surtout par leur médiocrité. Exception faite du speaker et producteur Bob Harris dans son propre rôle, clin d’oeil du film à la légende de la BBC. Il y a quatre femmes dans le film : Rose-Lynn, sa mère, sa fille, et son employeuse puis amie Susannah. Leurs rapports nourrissent le portrait de Rose-Lynn d'une femme en lutte : mère en conflit avec sa fille, fille en conflit avec sa mère, amie malgré le gouffre social, célibataire et chanteuse professionnelle.
La composition très classique de Wild Rose permet de se concentrer sur ces relations, et de faire reposer sur l’actrice Jessie Buckley toute l’intensité du film. Il n’y a pas de grands effets, et le film se colle à la personnalité et à la mesure de Rose-Lynn. Ce faisant, il évite l’écueil du film qui raconte une folle ascension - ou une terrible descente, exercice fait et refait mais toujours périlleux. La mise en scène de Tom Harper, dont c'est le premier film après plusieurs réalisations pour la télévision (dont des épisodes de Peaky Blinders), témoigne d'une jolie maîtrise du sujet et de sa narration, même si on pourra lui reprocher un très léger manque de personnalité.
Country roads, take me home
« Three chords and the truth », c’est ce que dit le tatouage sur le bras de Rose-Lynn, et c’est ce qui définit le genre country. Elle ira à Nashville, où elle trouvera sa vérité, puis retournera chez elle, à Glasgow, pour chanter sa ville, et assurer que « ain’t no place like home ». De très jolis morceaux rythment ainsi le film, comme « Outlaw State of Mind » « Glasgow », et « Peace In This House ».
C’est une belle définition de ce genre musical, une musique qui veut se jeter sur les routes, mais qui chante que la seule destination valable est la maison. On pense immédiatement à l’hymne country de John Denver « Take me home, country roads », qui raconte la même histoire de paix avec ses origines, ses terres, et donc avec sa destinée. Wild Rose donne élégamment cette même définition, et Jessie Buckley l’incarne avec une vraie grâce.
On peut d’ailleurs remarquer que la musique country, sous ses aspects bourrus tendance conservateurs, est un genre musical naturellement égalitaire, où les artistes, hommes ou femmes, ont la même considération. Un univers qui est rugueux parce qu'il est authentique, où Rose-Lynn ne revendique rien d'autre que devenir elle-même, sans la démesure ou les revendications profondes qu'on veut toujours coller aux artistes. Dans Wild Rose, une star n'est pas vraiment née, mais une femme passionnée et intègre a fait sa renaissance, et c'est encore mieux.
Wild Rose, de Tom Harper. Le 17 juillet 2019 au cinéma. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.