CRITIQUE / AVIS FILM - Les femmes d'une communauté religieuse décident de réagir aux violences et abus commis par les hommes dans le drame "Women Talking". Un film porté par des actrices formidables, qui aborde des questions passionnantes et fondamentales.
Women Talking : une réunion décisive
Le nouveau long-métrage de Sarah Polley (Loin d'elle, Take This Waltz) s'ouvre sur un vote. Dans une communauté religieuse vivant en autarcie, les femmes se regroupent pour prendre une décision, alors qu'elles subissent les viols et violences répétés des hommes. Elles ont le choix entre trois options : ne rien faire, combattre ou partir.
Alors qu'elles ne parviennent pas à délibérer, les membres de deux familles se retrouvent dans une grange pour échanger et trancher au nom des autres. Débute un long dialogue qui s'avèrera déterminant pour la suite de leur existence, en tant que personnes mais également en tant que communauté.
Une dimension philosophique passionnante...
Prenant essentiellement la forme d'un huis clos concentré dans la grange et faisant le choix de ne pas montrer les agressions dont les femmes sont victimes, Women Talking se concentre donc avant tout sur cette conversation à la fois douloureuse et pleine d'espoir. Cette adaptation du roman Ce qu'elles disent de Miriam Toews réussit à la fois à dresser le portrait de ses différents personnages, tout en interrogeant le spectateur sur plusieurs notions philosophiques passionnantes à mesure que le dialogue avance.
Un départ est-il un geste de révolte, une fuite, ou ni l'un ni l'autre ? Le refus des violences et des abus induits par le fonctionnement de cette communauté religieuse correspond-il à un rejet de sa propre foi ? Que deviendront les jeunes garçons s'ils restent aux côtés d'hommes déjà pervertis par le système dans lequel ils ont grandi ? S'il ne parvient pas à échapper à l'empilement didactique de thématiques et de questionnements fondamentaux, le film captive et émeut, en partie parce qu'il ne délaisse jamais la caractérisation de ses personnages au détriment de son propos.
Parmi les femmes présentes à cette réunion, il y a notamment Salome (Claire Foy), compagne d'un mari violent qui fait sans cesse preuve de combativité. Sa sœur Ona (Rooney Mara) se veut plus mesurée et pudique, désireuse de découvrir autre chose et ne pouvant entamer une histoire d'amour avec August (Ben Whishaw), l'instituteur de la communauté. Autje (Kate Hallett) et Neitje (Liv McNeil) apportent quant à elle une touche de légèreté, et leur jeunesse n'est jamais vue comme un frein à la pertinence de leur discours par les autres. Enfin, si elle ne participe pas à l'échange et qu'elle n'apparaît que peu de fois, Janz (Frances McDormand) est néanmoins très importante puisqu'elle représente la peur de partir et de s'extirper d'un modèle oppressif.
... pour une réalisation parfois décevante
Au-delà du travail impressionnant sur les dialogues et de la formidable qualité d'interprétation, Women Talking bénéficie d'une direction artistique qui accentue le fait que Sarah Polley ait pensé son long-métrage comme une fable. La photographie désaturée brouille les repères temporels et met en avant ces champs dénués de relief qui semblent s'étendre à perte de vue mais dans lesquels il est difficile de percevoir l'horizon.
Dommage cependant que la réalisation manque parfois d'inspiration et enchaîne les plans redondants lors du dialogue. Le long-métrage n'est toutefois pas dénué de scènes et de plans superbes, à commencer par son final poignant. Une envolée à la fois tendue, pleine de tristesse mais surtout pleine d'optimisme, magnifiée par le thème sublime d'Hildur Guðnadóttir, qui revient plusieurs fois au cours du film. Women Talking est un drame qui embrasse ses revendications sans tomber dans la morale facile, dévoilant de multiples perspectives toujours compréhensibles, en partie grâce à l'amour que Sarah Polley porte à ses personnages et ses actrices.
Women Talking de Sarah Polley, en salles le 8 mars 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.