CRITIQUE FILM / AVIS : Deux ans après la suite de "Trainspotting", le réalisateur britannique est de retour dans un tout autre registre. Avec un film musical bien loin de ceux que l'on peut voir ces derniers mois, il propose une réflexion sur l'importance des œuvres et le rôle majeur du public.
C'est à contre-courant, mais pas totalement, que Danny Boyle offre un feel-good movie estival en retirant au monde une des choses qu'il a le mieux porté : Les Beatles. C'est donc avec un joli, mais trop banalisé, pied de nez à Hollywood, qui, ces derniers mois, a fait fortune en livrant au public deux biopics sur des légendes populaires de la chanson : d'un côté avec Bohemian Rhapsody centré sur Freddy Mercurie et par extension sur le groupe de rock Queen, et de l'autre, un surprenant Rocketman titre éponyme d'un des meilleurs titres d'Elton John. Alors que ces deux derniers longs-métrages mettent en scène ces légendes, Boyle lui, s'en amuse et décide de les faire disparaître et de les rayer de la mémoire de tous. Hasard du calendrier, ou pas, c'est avant tout avec un malin plaisir que l'on retrouve le papa de Slumdog Millionnaire pour son treizième long-métrage.
On l'avait quitté en 2017 avec son Trainspotting 2, mélancolique mais dont la folle qualité fut à peine remarquée par le public, comme l'indique le faible nombre d'entrées en France (environ 102 000). Alors qu'il devait piloter le prochain James Bond, c'est finalement avec Yesterday, cette comédie un peu fêlée et co-scénarisée avec son ami Richard Curtis (le roi de la rom-com)) que le réalisateur est de retour. Et si le long-métrage porté par le duo Himesh Patel et Lily James a beaucoup d'ambition, il se perd dans des idées inassouvies et une réalisation très banalisée.
Un arrière goût d'inachevé
Le concept n'est pas très original, surtout lorsqu'on connaît, spécifiquement nous autres Français·e·s, le long-métrage Jean-Philippe de Laurent Tuel, sorti en 2006, porté par un remarquable Fabrice Luchini, dernier humain à se souvenir de l'existence du désormais défunt Johnny Hallyday. Pourtant, sur ce point, le film de Boyle fonctionne parfaitement, et aborde la perte sous un angle partiellement différent, et c'est avec un amusement jouissif que l'on se délecte d'une situation aussi absurde que terrifiante. Alors que les nouvelles technologies, censées nous rapprocher, nous éloignent un peu plus les uns des autres, la culture populaire semble, elle, toujours un facteur de lien. C'est en tout cas sous cette réflexion que le duo Boyle et Curtis tisse le fil rouge de Yesterday. Jack, qui se souvient de l'existence des Beatles (mais pas que...) se retrouve projeté sur le devant de la scène "grâce" à son appropriation des compositions du groupe mythique.
C'est via cette situation que le personnage, dont l'amour pour le groupe est si fort qu'il veut le faire (re)découvrir à la terre entière, va se construire et se déconstruire. D'abord, heureux de partager sa passion et d'en être le porte-parole, il va vite se sentir comme un imposteur et un voleur. Pourtant, l'idée ici n'est pas tant de faire d'un musicien abandonné, une pop star en vogue (finalement c'est bien tout le contraire) mais de mettre en lumière un propos sur la puissance des œuvres collectives. Boyle nous met alors face à une question ouverte : les œuvres populaires existent-elles sans le public ?
Malheureusement, malgré une piste de réflexion aussi fascinante sur un sujet aussi difficile qu'enthousiasmant à aborder, la légèreté globale et les histoires rapportées pour combler quelques vides, font que l'on se retrouve face à un objet sympathique mais presque décevant contenu des promesses qu'il n'hésitait pas à faire sur papier. Alors que sa première partie est facilement appréciable, le reste retombe comme un soufflé et nous laisse avec le goût amer d'une oeuvre inachevée et qui n'a fait que répéter un schéma dans lequel elle s'est enfermée.
Yesterday de Danny Boyle, en salle le 3 juillet 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.