CRITIQUE / AVIS FILM - À l'origine de nombreux fantasmes, le montage définitif de "Justice League" signé Zack Snyder arrive enfin sur nos écrans. L'aboutissement d'une affaire qui a pris des proportions délirantes. Après tout le battage médiatique, il est temps de se concentrer sur le plus important : le film. Découvrez notre avis garanti sans spoilers.
Zack Snyder's Justice League est arrivé
Saccagé honteusement sous la direction de Joss Whedon, Justice League a créé un consensus sur sa médiocre qualité. Zack Snyder a longtemps clamé son envie de sortir son montage, soutenu par une horde de fans déchaînés. Warner aura cédé, avec forcément des bonnes raisons de le faire. L'apparition de la plateforme HBO Max a créé une conjoncture favorable en faveur de Zack Snyder's Justice League. Pour l'occasion, le réalisateur a eu des conditions de travail optimales. Plus qu'on ne le pensait à l'origine. Plusieurs dizaines de millions de dollars ont été dépensées pour achever le montage et les effets visuels, pendant que des nouveaux plans ont pu être tournés et qu'une liberté artistique gigantesque a été accordée à Snyder.
C'est donc un montage de quatre heures, découpé en six chapitres, et dans un désarçonnant format 4/3 qui vient de voir le jour. Une durée deux fois supérieure à celle endurée dans les salles, qui a en plus la vertu de ne contenir aucune des images tournées par Joss Whedon. Les apports sont théoriquement considérables et autant dire d'entrée que Zack Snyder's Justice League dépasse le film précédent. Le contraire aurait été catastrophique et on sent cette fois qu'une vision cohérente soutient l'ensemble. Cela ne fait pas pour autant de cette version la réussite totale que certains pouvaient attendre.
Une histoire inchangée
Nombreuses sont les différences à signaler entre les deux montages mais la trame principale qui structure l'ensemble s'en tient à chaque fois à un enjeu similaire. Ainsi, on retrouve encore Batman (Ben Affleck) qui tente de monter une équipe de super-héros pour combattre une terrible menace qui pèse sur les épaules de l'Humanité. Steppenwolf (Ciarán Hinds) et ses sbires comptent s'en prendre aux Hommes, aux Amazones et aux Atlantes pour récupérer les Boîtes mères convoitées par Darkseid (Ray Porter).
Les héros de la Justice League vont devoir se dresser en travers de sa route pour l'empêcher de toucher au but. Le film a beau afficher quatre heures au compteur, il ne reconfigure pas la trame. Il la raconte différemment, avec des scènes revues ou ajoutées, mais garde cette charpente un peu trop maigre pour sa durée démesurée. Comment la justifier dans ce cas ?
Les personnages, grands gagnants de ce montage
La métamorphose la plus frappante se ressent au niveau de tout ce qui est développé autour de l'intrigue. Les personnages en ressortent grandis puisque la plupart ont un temps supplémentaire considérable à l'écran. Zack Snyder aime l'univers et les figures qu'il manie. Ça ne fait aucun doute et on le sent motivé par l'envie de leur injecter la noblesse qu'ils méritent. Comme attendu, Cyborg (Ray Fisher) est un tout autre personnage au traumatisme émouvant. Sacrifié par Joss Whedon, il devient ici d'une importance capitale. On apprend à le redécouvrir au point de vouloir qu'un film solo lui soit dédié. Sa renaissance justifie à elle seule que ce montage existe. Il semble assez clair qu'il est l'un des chouchous de Zack Snyder mais le film donne de la matière à défendre (presque) à tout le monde.
On saluera aussi Flash (Ezra Miller), devenu plus supportable qu'en 2017 en dépit de son orientation trop prononcée vers l'humour. Moins Superman (Henry Cavill) et Batman, perdants dans cette affaire. Le premier se fait attendre longtemps et reste effacé dès son entrée dans la partie. Le second a un traitement trop neutre par rapport à ses compères, jusqu'à l'excitant épilogue.
Dans l'autre camp, le méchant Steppewolf peut se targuer d'être enfin une vraie menace qui inspire la crainte. Il gagne en densité bien qu'on aurait aimé voir plus Darkseid, grand absent du montage cinéma et programmé intrinsèquement à s'illustrer dans le reste de la trilogie qui ne verra jamais le jour.
Une anomalie généreuse et boursouflée
L'importance accordée aux personnages devient autant une nouvelle qualité qu'un défaut dans Zack Snyder's Justice League. On salue l'effort pour prendre le temps de développer tout le monde. En revanche, on ne peut nier que le film manque d'équilibre. Le réalisateur n'a visiblement pas su faire des concessions sur ce coup, engendrant une disproportion entre les composants. Son gros bébé est trop long pour ce qu'il raconte et on a l'impression qu'il avait ce besoin viscéral de le remplir à ras bord en sachant pertinemment qu'il signait son baroud d'honneur dans le DCEU. Comme pour prolonger au maximum le plaisir avant de fermer un chapitre qui l'a occupé longtemps.
Jusqu'au bout, il veut que les fans des comics soient comblés (la dernière scène en agitera plus d'un !) et sa mise en scène se met au diapason pour les régaler. Le metteur en scène iconise ses héros, se montre généreux à plusieurs égards et compose des plans somptueux avec la maîtrise qu'on lui connaît. Il est un filmeur hors pair dont le premier degré dans l'outrance inspire une forme de respect. La profonde croyance qu'il exprime dans tout ce qu'il fait nous touche mais elle ne camoufle pas les travers de son ambition démesurée. Au mieux, elle fera diversion chez ses fans, au pire elle assommera ceux qui sont moins clients de son cinéma. En résulte un objet étonnant comme le cinéma de super-héros n'en a jamais livré dans toute son histoire. Une anomalie cinématographique dont l'existence relève du pur miracle.
Zack Snyder's Justice League de Zack Snyder, en achat digital le 18 mars et disponible en location le 31 mars. Bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.