CRITIQUE / AVIS FILM - Les zombies, ou plutôt les être possédés, ont décidément la cote à Cannes cette année. En trois jours, The Dead Don't Die, Atlantique, et Little Joe, ont chacun abordé le fantastique d'une manière différente. Alors, comment Bertrand Bonello s'en sort avec Zombi Child, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs ?
C'est à Haïti, en 1962, que l'intrigue commence; logique, puisque le mort-vivant est un élément culturel originaire du pays des Caraïbes. Au fil du récit, on reprendra quelques nouvelles de cet Haïtien zombifié, dont le destin viendra croiser celui des héroïnes du film. On suit en effet la vie de plusieurs élèves d'un lycée très prestigieux, microcosme à l'inquiétante étrangeté. Un lycée qui semble coupé du monde, réservé aux filles dont un parent a reçu la Légion d'Honneur. Lorsqu'une nouvelle élève, originaire d'Haïti, arrive en classe, elle emmène avec elle les légendes du pays dans lequel elle a grandi ...
Comme dans Nocturama, le cinéaste arrive à filmer des adolescents avec un certain naturalisme, captant des moments et des conversations qui sonnent naturels. D'une leçon d'histoire a une répétition de chorale, de longs panoramas balaient des scènes qui, en soi, sont ancrées dans le quotidien, mais que la caméra de Bonello arrive a rendre magiques.
Le réalisateur semble adorer capter le mystère qui se dégage de lieux concrets, qu'on apprend a connaître en y restant le plus longtemps possible. C'était le cas dans le centre commercial de l'avant-dernier film, cité plus haut, ou dans la maison close de L'Apollonide. Ici, c'est une école introduite dans ce qu'elle peut avoir de plus"normal", c'est à dire des cours et des élèves qui s'ennuient dans les couloirs, qui est au cœur du récit.
Des rituels viennent ainsi rythmer le film, qu'ils soient symboliques dans ce lieu (l'accueil d'un nouveau membre dans une sororité) ou vaudous en Haïti. Esthétiquement, certains plans sortent du lot en étant composés comme des tableaux. Rien d'étonnant : Bonello filme l'école comme si c'était un musée, avec des longs couloirs et ses salles constellées de statues. Renforcé par des nappes de musique électronique, tout cela crée une ambiance unique, qui tisse un lien avec ses autres longs-métrages.
La scène de chant sur N. J Respect R de Damso aurait pu passer a côté de son sujet, mais son caractère intrinsèquement "bizarre", comme ayant fait un pas de côté, est en fait sa plus grande force.
Pour évoquer le surnaturel, le cinéaste capte simplement des éléments nous sortant de l'attendu, du quotidien, pour nous plonger dans une ambiance a la lisière du fantastique. Les textes crus de l'artiste belge sont ainsi chantés avec douceur par les cinq héroïnes du film; de la même manière, les rituels vaudous sont réalisés avec un certain pragmatisme. On en vient a douter de la réalité de ce que l'on voit, puisqu'ici les zombies ne sont pas de simple monstres, mais abordés comme un élément "folklorique" et bien réel, présentés sans artifices aucun, mais avec grande empathie.
Attention cependant : si vous êtes hermétique au style de Bonello, bien entendu, Zombi Child ne vous réconciliera pas avec le cinéaste français. Pour les aficionados, foncez, le long-métrage confirme son talent !
Zombi Child de Bertrand Bonello, présenté lors du 72e Festival de Cannes, en salle le 12 juin 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.