CRITIQUE FILM - Pour son premier long-métrage Elsa Diringer livre le portrait d’une jeune fille touchante et rayonnante dans son apprentissage de la vie.
Luna, premier long-métrage d’Elsa Diringer, fait parti de ces films solaires qui apparaissent régulièrement dans le paysage cinématographique français. Des films comme Geronimo (2014) de Tony Gatlif, Les Ogres (2016) de Léa Fehner ou même Ava (2017) de Léa Mysius, qui dégagent une atmosphère chaude palpable, concordant avec une certaine excentricité des personnages représentés.
Évidemment, même si les histoires varient, et que même sur la forme on trouvera des personnalités différentes, chacune de ces œuvres semble plus ou moins connectée, de par une envie de leur auteur respectif de crier des sentiments, qu’ils soient un besoin de liberté ou juste d’amour. On se souvient par exemple de cette détresse exprimée par un flamenco enflammé sur un cercueil chez Tony Gatlif. Ici, la musique aura aussi sa part d’importance – avec une fanfare dans les rues de Montpellier -, mais pour exprimer l’insouciance d’une jeunesse, heureuse, le temps d’un instant après un parcours chaotique.
Ce parcours, ce sera donc celui de Luna. Une jeune fille qui, comme beaucoup à son âge, est inconsciente et agit sans songer aux conséquences. Un soir, avec son groupe d’amis tout aussi immatures, ils s’en prennent à un jeune, Alex. Ce qui débute comme une plaisanterie idiote, tourne à l’agression d’Alex. Et alors qu’elle ne pensait pas revoir ce garçon, le voilà qui débarque quelques semaines plus tard à son travail, lui aussi en formation dans une exploitation maraîchère. Heureusement pour Luna, qui a remplacé sa longue chevelure blonde et ses airs de cagole pour une coupe courte de couleur rousse, Alex ne la reconnaît pas. Mais bien que tentant de garder ses distances, Luna finit par s’attacher à lui, découvrant un garçon sensible.
La simplicité et le naturel d'un premier long
Parfois, au cinéma, les choses les plus simples fonctionnent le mieux, et Elsa Diringer l’a bien compris. Avec Luna, l’identification est immédiate, quand bien même ce personnage n’est pas irréprochable, loin de là. D’abord, car on assiste à un schéma typique mais toujours aussi efficace, d’une protagoniste influencée (et donc subissant) par le regard des autres. Celui de ses amis, qui la poussent un temps à mal agir, mais également celui d’Alex, la ramenant à sa propre culpabilité. D’autant plus importante tandis que ses sentiments grandissent et que Luna craindra de le perdre.
Ainsi, sans aller défendre ni même justifier les actes répréhensibles de la jeune fille, Elsa Diringer cherche à la comprendre. Elle pose alors sur elle un regard attendrissant auquel il est difficile de ne pas adhérer. Car ce parcours, qui mènera Luna vers la maturité, ne tombe jamais dans le pathos. Ce qui n’empêche pas Elsa Diringer de pointer des situations compliquées pour une adolescente (évoquant l’avortement), qu’importe qu’elle soit issue d’une classe moyenne et sans réels problèmes de famille. La réalisatrice traite ainsi ses personnages avec un profond réalisme. Elle en tire alors des émotions universelles liées à l’empathie naturelle ressentie pour Luna.
Pour l’accompagner dans cette démarche, Elsa Diringer bénéficie pour son premier long-métrage de deux jeunes comédien.ne.s de talent. Si Rod Paradot, qu’on découvrait en 2015 avec La tête haute, s’en sort toujours aisément de par son charisme naturel, il apparaît cette fois dans un registre plus doux et délicat. Mais c’est surtout Laetitia Clément, repérée devant son lycée en casting sauvage, qui porte le film. La jeune fille, surprenante, irradie devant la caméra d’Elsa Diringer. La réelle difficulté étant de composer avec un personnage, d’abord antipathique et insouciant au possible, et de l’amener vers quelqu’un d’humain, plus intelligent et honnête qu’en apparence. Une évolution traitée avec justesse autant dans l’écriture de la réalisatrice que tant l’interprétation de son actrice. Un combo gagnant pour un duo actrice/réalisatrice prometteur et à surveiller.
Luna de Elsa Diringer, en salle le 11 avril 2018. Ci-dessus la bande-annonce.