Avec "Menina", la réalisatrice Cristina Pinheiro présente une jeune héroïne pleine d'audace perdue dans ses problèmes familiaux. Ce premier long-métrage est porté par un excellent trio d'acteurs, à commencer par la jeune Naomi Biton.
Premier long-métrage de la réalisatrice Cristina Pinheiro, Menina est un drame quasi autobiographique particulièrement réussi. Le film se déroule à la fin des années 70 et plonge dans le quotidien d’une famille portugaise installée en France.
À travers le regard de Luisa, nous découvrons la difficulté de s’intégrer de la famille. Les relations compliquées entre ses parents et la maladie qui ronge son père constituent les deux autres thèmes centraux. S’il ne dévoile que peu de surprises dans son déroulement, Menina emporte grâce à ses personnages pudiques. Pour préserver leurs proches, ces derniers préfèrent fuir certaines réalités, ce qui donne lieu à de nombreuses scènes très touchantes.
Une héroïne qui ne recule devant rien
La seule qui ne s’échappe face à aucune situation dans le long-métrage est la petite Luisa. Malgré le fait qu’elle ne comprenne pas toujours le discours des adultes, elle est constamment à leur écoute. Que ce soit en secret ou non, la petite fille retient chacune de leurs phrases.
Face au manque de communication de ses parents, l’enfant n’a d’autre choix que de mener sa propre enquête sur leur passé. Au fil du film, certains détails gagnent en importance et renforcent l’impact dramatique. C'est le cas d'une énigmatique photographie dont on ne comprend pas tout de suite l'importance capitale.
Tout comme Luisa, le spectateur sait que le temps est compté pour son père. De ce fait, il a envie d’en savoir le plus possible sur lui, et sur sa relation avec sa mère. Petit à petit, la profondeur de leurs liens se dévoile malgré les situations compliquées. Confrontée à des parents qu’elle ne cesse de reprendre sur leur langue et qui se taisent sur leur départ d’une dictature, Luisa peine à construire son identité et à trouver ses repères.
Néanmoins, la construction narrative de Menina révèle habilement la force grandissante de Luisa. Face à son père de plus en plus affaibli, la petite fille fait preuve d'un courage inaltérable. La relation entre les deux personnages est d’ailleurs la plus touchante du film. À cause de la maladie de son père, Luisa quitte malgré elle son rôle d’enfant et permet à sa famille de se maintenir. Le spectateur est impressionné par la prestation de la jeune Naomi Biton, toujours juste malgré la complexité du rôle.
Une histoire d’amour qui se révèle avec subtilité
L’autre point charnière de l’œuvre est la relation entre Leonor et Joao, les parents de Luisa. Au début de Menina, le spectateur ne voit que le conflit entre eux mais découvre rapidement le poids de leur passé. Les cadres du film sont réduits à quelques lieux, et principalement au cabanon dans lequel ils vivent. À l’intérieur se déroulent des situations parfois difficiles, à l’image de la séquence où Joao cherche désespérément son passeport. Peu expressifs, les personnages se mettent à nu dans ces scènes, qui prennent tout leur sens à mesure que le film avance. Grâce aux recherches et observations de Luisa, on ressent l’amour que ses parents se portent, ainsi que le soutien mutuel dont ils font preuve.
Menina n’insiste jamais sur le choix de l’exil de Leonor et Joao. À aucun moment ces derniers ne se justifient sur ce que certains de leurs proches considèrent comme une fuite. Néanmoins, leur souffrance est en permanence perceptible. Par le choix de les faire vivre dans le sud de la France, à Port-Saint-Louis-du-Rhône, Cristina Pinheiro les isole sans pour autant verser dans le misérabilisme.
Leur pudeur, tout comme leur difficulté à exprimer leurs sentiments et émotions, sont parfaitement retranscrites à l’écran par Beatriz Batarda et Nuno Lopes. Lorsque la première pousse un cri de douleur lors d’une séquence clé, le spectateur a la gorge nouée. Il est également charmé par les anecdotes du second. L’imagination de Joao apporte en effet énormément de poésie à Menina.
Malgré le déroulé prévisible du long-métrage, nous voilà souvent pris de court par les réactions de ces personnages. La réalisatrice et ses interprètes réussissent d'ailleurs à les mettre constamment en valeur. Chacune de leurs erreurs est compréhensible, et l’empathie envers eux ne faiblit jamais. Menina s’impose donc comme un très joli drame extrêmement lumineux, et ce, malgré le parcours douloureux de ses protagonistes.
Menina de Cristina Pinheiro, en salle le 20 décembre 2017. Ci-dessus la bande-annonce.