Pour son premier long-métrage, « Jamsil », Lee Wan-min questionne les relations humaines dans leur globalité, quitte à déborder parfois.
Passée par des études de droit à Séoul, avant de se diriger vers le cinéma en arrivant à Paris, Lee Wan-min réalise avec Jamsil son premier long-métrage. Film étrange où les rêves du passé des protagonistes se confondent avec la réalité d’un présent morne.
L’histoire de base est pourtant relativement simple ; Mihee, la trentaine, vient de rompre avec son petit ami. Alors qu’elle déambule dans la ville, elle se met à suivre une jeune inconnue. Un soir, elle décide enfin de frapper à sa porte, mais tombe sur Sungsook, une femme bien plus âgée. Mihee lui dit alors être son amie d’enfance. En dépit de ce mensonge, Sungsook l’accueille, l’aide à sa manière, et voit resurgir les souvenirs de son passé.
Débat autour des relations humaines
Par des allers et retours entre les périodes, avec pour quasi seul indice temporel un changement de couleur – les scènes du présent sont grises, le passé est lumineux -, Lee Wan-min ne tient pas à nous faciliter la tâche. La possibilité de se perdre avec ces intrigues qui s’entremêlent est probable. Pourtant, Jamsil tient en lui une sensibilité forte permettant d’outrepasser les limites de ce concept. Car l’intérêt est ailleurs. Dans l’étude des relations et des sentiments humains. Comme l’attestent les débats divers de Sungsook avec son groupe de travail (elle est enseignante à l’université). Des discussions qui questionnent à la fois la politique, la société et les interactions entre les gens.
Caméra fixe, Lee Wan-min garde de la distance avec ses personnages et laisse ainsi à ses commédien.ne.s une liberté de jeu proche du théâtre – pouvant aussi évoquer un certain Hong Sang-soo, pour ne citer que lui. De cette mise en scène, qui place comme un témoin passif, la réalisatrice parvient à capter une forme de tragédie. Que ce soit dans la déchirante séquence de Mihee, en larme dans les bras de Sungsook, ou lorsque Mihee, toujours, se confrontera à ses parents quant à son avenir. Car si Jamsil évoque les souvenirs du passé (qui apparaissent durant le sommeil des personnages), il est également question de rêves inaccomplis, qu’ils soient de l’ordre des désirs amoureux (remise en question du couple de Sungsook) ou professionnels.
Prometteuse, Lee Wan-min offre ainsi une émotion certaine, qui surplombe les incompréhensions éventuelles. Car, à l’évidence, Jamsil déborde de par ses nombreuses thématiques. Comme si, pour son premier long-métrage, Lee Wan-min avait voulu y mettre la totalité de ses obsessions. Un mal pour un bien, puisqu’en dépit d’une sensation parfois d’étouffement, Jamsil questionne intelligemment et se laisse ressasser avec plaisir.
Jamsil de Lee Wan-min, présenté au Festival du film coréen à Paris du 24 au 31 octobre 2017. Ci-dessus un extrait.