CRITIQUE SÉRIE - Vous en redemandiez ? La saison 2 de "13 Reasons Why" est désormais disponible sur Netflix. Les cassettes n'étaient bien que le début.
Phénomène de l’année dernière, la série 13 Reasons Why trouvait son public en évoquant le délicat problème du harcèlement scolaire. Dans cette adaptation du roman de Jay Asher, Hannah Baker (Katherine Langford) expliquait au travers de 13 cassettes audio, les raisons de son suicide. Tous les codes du teen drama basique étaient là : un lycée d’une petite bourgade américaine avec toutes les figures attendues (les sportifs populaires, les freaks, les cancres, les timides, les adolescents banals).
Sauf qu’au travers de ces cassettes, le scénario allait fouiner derrière ces archétypes pour leur offrir un panel de nuances et décrire avec précision l’ampleur de leur complexité comportementale – chaque personnage avait ses torts et ses raisons. Hannah le disait, "c’est compliqué". L’adolescence est compliquée, le rôle d’adulte est compliqué, les rapports humains sont compliqués. Et parfois, une mauvaise gestion, volontaire ou non, peut entraîner des dégâts irréversibles. Loin d’être parfaite, cette première saison nous avait touchés en arrivant à faire preuve de sensibilité dans l’approche des personnages, tout en gardant en ligne de mire son ambition pédagogique.
Un tract préventif trop long
Il semblerait, malheureusement, que cette ambition ait pris trop le pas sur le reste dans cette seconde saison. Le petit spot qui précède le premier épisode nous met directement la puce à l’oreille. Sur fond noir, le casting défile pour sensibiliser les spectateurs sur les dommages du harcèlement et d’autres problèmes de société évoqués durant l’intrigue. On nous invite même à nous rendre sur le site officiel pour trouver de l’aide si nous, ou un de nos proches, sommes dans un état de détresse. Un préambule dont la bonne intention initiale n’est pas à remettre en cause mais qui témoigne de l’envie du show de jouer un vrai rôle préventif. Et ce, au détriment du reste. Comme le laissait penser ce petit message inaugural, cette saison se transforme en gros tract destiné à sensibiliser les spectateurs. Sauf qu’à l’inverse d’un spot télé ou d’un papier, il s’agit d’une série composée de 13 épisodes de 55 minutes. Cela fait long le tract.
L’intrigue reprend quelques mois après les événements de la saison 1. Un procès s’ouvre, opposant les parents d’Hannah au lycée Liberty, accusé de n’avoir rien fait malgré les signes avant-coureurs du suicide de l’adolescente. Les personnages connus sont invités, tour à tour, à venir témoigner pour donner leur version des faits. Par cette approche scénaristique, la série cherche à reproduire le cheminement effectué dans la saison 1, en se délestant de toute son astucieuse profondeur narrative. Chaque épisode est centré sur le témoignage d’une personne comme chaque épisode était centré sur une personne ayant joué un rôle dans la tragédie Hannah Baker. Le problème avec les reproductions, c’est qu’elles souffrent de la comparaison. Rappelons que si le livre de Jay Asher servait de base pour la première saison, il a fallu tout inventer pour donner vie à cette seconde partie.
Et toi, c'est quoi ton problème ?
Du début à la fin, la saison 2 de 13 Reasons Why empile les problèmes d’écriture, par excès d’abondance. Comme si elle voulait proposer un large éventail de cas pour traiter un maximum de sujets, maintenant que l'audience est attentive. Une partie de la grande galerie de personnages perd de sa subtilité devant les choix grossiers que font les scénaristes. On passe par toutes les éventualités, du jeune SDF drogué au nouvel adorateur des armes à feu, sans oublier l’adepte des scarifications et le rescapé d’une tentative de suicide. Puis, après le viol féminin, il ne manquait que le masculin, en bouquet final, pour être sûr d'envisager toutes les pires situations. Que vont-ils trouver à faire maintenant pour la désormais officielle saison 3 ?
Les éléments révélés durant le procès doivent, en théorie, apporter un second éclairage sur les événements passés. Sauf qu’ils ne font que gâcher tout ce qui avait été mis en place en n’étant, soit pas très intéressants, soit maladroits. Tout ça pour enfoncer au marteau piqueur une seule et unique maxime scandant que les apparences sont trompeuses. Piégée dans cette optique de renversement permanent de la situation, cette saison s’englue dans des trouvailles idiotes, soustrayant aux personnages toute profondeur psychologique et émotionnelle. Leur zone d'ombre et leur opacité sur des détails donnaient justement de l'impact ! Difficile d'adhérer aux nouveaux événements tant la crédibilité est aux abonnés absents...
Hannah is back...
Pas à une mauvaise idée près, la série décide pour l’occasion de ramener Hannah Baker sous la forme d’un fantôme, que seul Clay (Dylan Minnette) peut voir. Au lieu de briller par sa funeste absence, elle agace par sa présence trop prononcée. La suite logique voulait que son ombre plane sur le procès, que l’on découvre les zones cachées par le biais de flashbacks. Sa présence physique dans le présent n’a aucun sens dans une histoire réaliste et n’apporte rien, si ce n’est de la gêne en la voyant parler uniquement par énigme, répondant aux questions par des questions.
On comprend qu’il était tentant de se servir d’un divertissement populaire, ayant séduit les jeunes, pour véhiculer un message d’actualité. Dans une société qui a engendré le slut-shaming, qui se révolte contre les problèmes de harcèlements sexuels, qui voit tous les mois une nouvelle fusillade éclater dans une université américaine. Encore une fois, il est difficile de nier toute la bonne volonté des scénaristes mais un tel sabotage après les belles réussites de la première saison ne donne absolument pas envie de s’intéresser à des problèmes qui demandent de la nuance et de la subtilité dans leur traitement. Un résultat aussi contre-productif relève de l'effarante faute professionnelle.
13 Reasons Why créée par Brian Yorkey et Diana Son, la saison 2 est diffusée depuis le 18 mai 2018 sur Netflix. Ci-dessus la bande-annonce.