CRITIQUE / AVIS SÉRIE - "Baron Noir" a réussi en deux saisons à convaincre les électeurs - pardon, on voulait dire les spectateurs, grâce à son analyse brillante de la vie politique française. De retour sur Canal + pour une troisième saison, "Baron Noir" insiste sur le mariage délicieux de la réalité et de la fiction qui a fait son succès.
Enfin la lumière ? La saison 3 de Baron Noir, diffusée à partir d'aujourd'hui sur Canal +, s'inscrit dans la continuité des deux précédentes, à savoir suivre Philippe Rickwaert, le fameux "baron noir", maître du game politique et faiseur de rois. Mais cette fois-ci, c'est à son tour de prendre la lumière, et d'avoir une chance de prétendre à la plus haute fonction. Avec tout le casting de retour, et quelques nouveaux, les intrigues politiques entre Philippe Rickwaert (Kad Merad), Michel Vidal (François Morel), Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis) et les autres reprennent de plus belle.
Une saison à l'écriture brillante
La série Baron Noir est toujours aussi performante, percutante et soignée. Les dialogues ciselés, la présence animale de Kad Merad - servie par une mise en scène comme fascinée par le personnage, le réalisme des situations, tout maintenant coule de source. C'est le privilège d'une série comme Baron Noir qui, comme Le Bureau des Légendes par exemple, est un programme clairement identifié et validé. Si le public aime Baron Noir, c'est parce qu'il mime à la perfection la vie politique française, se choisissant des personnages qui sont pour la plupart des versions assez fidèles d'hommes et femmes politiques très réels. Si bien que les intrigues de la série ressemblent fortement à ce que l'on sait et ce que l'on imagine du quotidien des partis politiques français, ceux au pouvoir et ceux de l'opposition.
Réunification de la gauche, alliances des extrêmes, hyper-présidentialisation, montée des populismes : les problématiques sont connues et se traitent sur fond de marasme social, en collant à l'actualité. Point très intéressant de la saison 3 de Baron Noir, deux nouveaux personnages font leur apparition : Naïma Meziani, une stratégiste et communicante politique, et Olivier Markarian, un jeune universitaire et conseiller de la présidente. Ces deux personnages, interprétés par Rachida Brakni et Alex Lutz, ont un double intérêt : ils illustrent l'intervention d'experts distants des partis, mais surtout ils ouvrent des arcs narratifs plus personnels pour Rickwaert et Dorendeu. Ce qui permet d'apporter plus d'humanité à ces personnages, ce que la série n'exploite que peu la plupart du temps.
Un réalisme qui ne laissait pas grand chose à l'émotion
Car c'est le risque que courait la série : noyer des destins personnels dans un vaste jeu d'échecs froid et mécanique. La série est mise en scène comme un thriller, et son scénario est presque un essai sur la manipulation et la technocratie. Que ce soit à la production ou à l'écriture, ou encore à l'interprétation, il y a bon nombre de vrais journalistes et spécialistes de la chose politique qui nourrissent Baron Noir d'un réalisme troublant. On notera notamment une séquence vertigineuse avec Karine Le Marchand dans son propre rôle. L'impression n'est donc jamais loin que cette fiction est aussi impersonnelle et désagréable que la réalité.
Heureusement, on pourra voir dans cette saison une relation fouillée et complexe entre Vidal et Rickwaert, le second admirant les capacités oratoire et intellectuelle du premier, et le premier admirant le sens politique du second. On pourra aussi rentrer un peu plus dans la vie intime de Dorendeu, en s'intéressant à ses relations personnelles et à ses blessures infligées par la vie politique. Concernant Rickwaert, on attendait qu'il sorte de l'ombre, autant pour le voir porter ses propres idées qu'assumer les conséquences de ses actes. Cette transformation, qui a son lot d'amertume, est un plaisir à regarder.
Plus que jamais, avec une saison qui va vite se concentrer sur la course à l'Élysée, Baron Noir réussit à fondre la réalité et la fiction. Cela donne matière à réflexion, et c'est toujours un régal de voir Kad Merad briller dans un rôle à contre-emploi. Encore plus sombre et désabusée que ses précédentes saisons, Baron Noir saison 3 prend le temps d'appliquer aussi son cynisme aux aspirations intimes, quitte à augmenter le degré de cabotinage de certains. Brillant, et glaçant.
Baron Noir saison 3, à partir du 10 février sur Canal + et MyCanal. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.