La chaîne Canal + sort sur ses écrans sa nouvelle saison de Baron Noir. Celle-ci présente toujours un joli casting. Malheureusement, cette série se repose trop dessus, et semble n'avoir de fiction que le nom.
L'intérêt de la politique fiction est d’envisager la question « Et si !». Qu’arriverait-il si tel scénario arrivait ? Qu’arriverait-il si quelque chose d'impensable arrivait ? Le principe de l’anticipation est de dépasser la réalité pour explorer ce fameux « Et si !».
Dans ce sens, la bande dessinée, La Présidente de François Durpaire et Farid Boudjellal est un bon exemple de politique fiction. Dans cette œuvre, les auteurs imaginent les conséquences de l'accession au pouvoir de l'extrême droite. L’inconvénient pour Baron Noir (création Canal+ créée par Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon) est que dans son cas, c’est la réalité qui l’a très largement devancée.
Une histoire morte dans l’œuf
Au vu des dernières présidentielles françaises, l’histoire qui nous est comptée dans cette saison 2 de Baron Noir paraît complètement obsolète. Pire encore, elle envisage un scénario qui n’a rien de surprenant. Ainsi, cette série nous présente un Parti socialiste toujours aussi fort et au centre de la vie politique, malgré des divisions internes. Le problème est que la réalité a assez largement dépassé cette perspective.
En effet, le Parti socialiste est sorti fragilisé comme jamais des dernières élections présidentielles. L’anticipation n’existe plus dès lors où la série expose un modèle ancien, aujourd'hui dépassé. L’hypothèse que cette série présente est alors complètement distancée. Ainsi, cette proposition perd tout intérêt et ce dès le début. Ce choix apparaît même comme un manque d’audace totale de la part des scénaristes. La série envisage des événements dont tout le monde est au fait, et en plus elle n’anticipe rien.
La force des convictions : le grand absent
Une conviction politique, en règle générale, se constitue d’une histoire personnelle, d’un parcours, d’un idéal, tout au moins pour l’humble et non moins naïf spectateur qui rédige ces lignes. Autant d'éléments qui peuvent faire l'apanage d’un personnage de fiction politique. Rien de tout cela n’est présent dans Baron Noir saison 2, ou si peu. Les personnages étant constamment préoccupées par des manœuvres politiques, cette série pourrait presque s’intituler « Tout le monde veut prendre sa place ». Trop peu le spectateur ne ressent qu’ils sont habités par des convictions qui les ont construits. Encore s'il s'agissait de quelques personnages, mais cette vision sournoise et opportuniste de la politique est généralisée jusque dans ses plus hautes sphères, puisque même la présidente de la République (jouée par Anna Mouglalis) semble plus intéressée par ces manigances que par les problèmes secouant son pays.
De outre, ces protagonistes aux idées parfois très divergentes, ne rentrent presque jamais en collision les uns avec les autres. Leurs confrontations restent pour le moins cordiales. Ici aussi, la réalité déjuge la fiction. Les confrontations des hommes politiques de bords différents, que n’importe qui peut observer sur un plateau de télévision, sont bien plus musclées que celles de Baron Noir.
Un personnage principal en inspecteur gadget de la politique
Le personnage de Phillipe Rickwaert, interprété par Kad Merad, est assez extraordinaire. Il a presque une idée à la minute. Tant et si bien qu’il finit par noyer le spectateur qui très rapidement n’est plus capable d’en retenir une seule. Ce drogué de la politique passe son temps à aller de droite à gauche. Son hyperactivité chronique finit par faire souffrir le spectateur d’overdose. Au final, ce personnage apparaît comme peu crédible et peu inspirant, et ce, malgré le jeu impeccable de Kad Merad. Le reste du casting est tout aussi intéressant mais bien qu'interprétés par des acteurs de talent, les personnages restent lisses.
Une manière de filmer prenante, mais un propos qui reste en surface
La manière dont la caméra tourne autour des personnages est très prenante et juste. Notamment lorsque celle-ci suit les protagonistes dans des couloirs. Ces mouvements de caméra savamment orchestrés apporte un authentique dynamisme au métrage. Cette technique est également en adéquation avec les figures qu’elle suit qui sont perpétuellement en mouvement. Hélas, cette manière de filmer sert des enjeux et des conflits qui demeurent dérisoires. La série évoque le terrorisme et la mixité sociale en restant très en surface. Ces problématiques fortes ne plongent pas les personnages dans des dilemmes suffisamment redoutables. À aucun moment, le spectateur ne ressent le poids du danger, de la menace ou de l’urgence. Au final, c’est toujours la même problématique qui revient : "comment prendre sa place".
En conclusion, Baron Noir saison 2 s’avère une grande déception, la promesse décline dès le premier épisode. Car cette proposition n’anticipe rien, au mieux elle explique les causes (rapidement). Le propos qui était pourtant prometteur reste constamment en superficie. Il n’explore pas la complexité des enjeux sociaux économiques, ou de manière très furtive. Les personnages, même si servis par un casting de qualité, manquent de profondeur et demeurent relativement lisses.
Baron Noir créée par Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, saison 2 à partir du 22 janvier 2018 sur Canal +. Ci-dessus la bande annonce.