CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Un an et demi après une première saison congratulée, HBO offre une saison 2 à "Big Little Lies". Dans la lignée de la précédente, on retrouve Nicole Kidman, Reese Witherspoon et les autres, cette fois devant la caméra d'Andrea Arnold, qui suit le chemin tracé par Jean-Marc Vallée.
A la fin de la première saison de Big Little Lies, il ne semblait pas nécessaire de poursuivre sur une saison 2. Non pas que la série n’était pas bonne, bien au contraire. Mais à la base, le show de HBO était pensé comme une mini-série. D’autre part, Jean-Marc Vallée, à la réalisation, allait parfaitement dans ce sens par sa mise en scène singulière et son approche du sujet. Pour lui, il ne s’agissait pas tellement de s’intéresser à un meurtre, annoncé dès le début par le biais d’interrogatoires, mais plutôt au quotidien d’un groupe de femmes, bourgeoises, de la petite ville côtière de Monterey en Californie.
La force du cinéaste avait été de rendre fascinants ses personnages, capables d’exister seuls ou ensemble, et d’en tirer des thématiques variées sur la famille, mais également sur la violence conjugale ou le viol. Enfin, les performances de Reese Witherspoon, Nicole Kidman, Shailene Woodley ou encore Laura Dern permettaient de créer des personnages délicieusement détestables (pas tous), dans le paraître et prêts à s’étriper les uns les autres. Le clou du spectacle était alors de les réunir face à la mort de Perry (Alexander Skarsgård, le mari de Celeste, Nicole Kidman dans la série) pour former un groupe finalement uni et solidaire.
Face au succès critique et public, et le soutien de ses stars, HBO a donc décidé de lancer une saison 2. Jean-Marc Vallée, contre cette idée, s’en écarte en laissant la réalisation à Andrea Arnold (tout en restant producteur exécutif). Le risque qu’une saison de trop vienne dénaturer le produit est réel. Mais HBO n’est pas du genre à se lancer à l’aveugle juste pour surfer sur une vague. Et le prouve avec cette saison 2 de Big Little Lies, dont nous avons pu voir les trois premiers épisodes.
Entre rupture familiale et futur incertain
Confier la réalisation de Big Little Lies à Andrea Arnold était étonnant si on se base sur sa précédente réalisation, American Honey (2016), un enivrant road trip à travers l’Amérique white trash. Pourtant, la cinéaste n’a aucun problème à rentrer dans le moule forgé par Jean-Marc Vallée. Ce dernier continuait de réciter ses gammes, avec ses innombrables flashbacks/visions qui permettent des ruptures au sein des scènes et des transitions aussi visuelles que sonore (la musique est également un élément majeur de son cinéma). On a d’ailleurs pu retrouver son style brillant, toujours sur HBO, avec l’exceptionnelle Sharp Objects. Andrea Arnold suit donc à la lettre la partition de Vallée. La saison 2 étant dans la lignée de la précédente, même si on sent la réalisatrice moins à même d’offrir des scènes aussi marquantes, à créer de vrais chocs sensoriels.
Néanmoins, cette proposition reste cohérente par rapport à ce qu’est cette saison 2 par rapport à la première. A savoir une sorte de miroir. Et c’est là toute l’intelligence de la série qui parvient à amener de la nouveauté dans sa manière de traiter ses personnages. Madeline, Celeste, Jane et Renata sont de retour, avec Bonnie qui occupe une place plus importante. Chacune semble avoir repris le cours de sa vie, laissant les dramas loin derrière elles. Du moins, en apparence. Car alors qu’elles pensent s’en être sorti avec leur « grand petit mensonge », leur monde merveilleux va s’effriter au fur et à mesure. En raison du meurtre qui les a rassemblées, car l'enquête se poursuit en hors-champ, mais pas que. Si Bonnie (Zoë Kravitz, dont on se réjouit de la voir davantage à l’écran) accuse évidemment le coup suite à son acte et au mensonge qui lui a été imposé, Renata (Laura Dern) fait face aux problèmes de son mari avec la justice (qui mettent en péril son petit confort bourgeois) tandis que Madeline voit son infidélité la rattraper. Entre les relations mère/fille, encore importantes, et de couple, ce n'est ainsi plus uniquement les mères qui sont sur le point d'imploser mais bien le cercle familial dans son ensemble.
De son côté, Jane (Shailene Woodley) continue de se reconstruire avec son fils Ziggy, alors que Celeste (Nicole Kidman) est tiraillée entre passion pour son défunt mari et rejet de l’homme violent qu’il était, tout en portant un regard inquiet sur ses enfants. Une fois de plus, cette dernière est probablement le personnage le plus fort et complexe (du moins en début de saison), ne serait-ce que dans la manière dont le processus de deuil et le désir se rejoignent. Egalement avec la venue de sa belle-mère, Mary Louise (Meryl Streep, absolument géniale), qui ne croit pas à la thèse de l’accident dans la mort de son fils, et la mettra dos au mur. Un nouveau personnage qui offre des moments mémorables de par son comportement passif-agressif envers Celeste ou Madeline.
Ainsi, si la première saison gardait en ligne de mire un final inévitable (encore une fois, la mort d’un personnage annoncée dès la première scène de la saison 1), cette seconde avance vers un inconnu pour des protagonistes attachantes en dépit de leurs nombreux défauts et de leur acte répréhensible. Une écriture qui permet d’ouvrir les possibilités, d'amener une moralité jusque-là absente, et surtout d’inclure le spectateur dans un sentiment d’incertitude qui gagne des héroïnes face à cette épée de Damoclès qui rend leur avenir incertain, et donc passionnant.
Big Little Lies saison 2 réalisée par Andrea Arnold, à partir du 10 juin 2019 sur HBO et OCS en US+24. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.