CRITIQUE SÉRIE - Dans "Camping", nouvelle création de Lena Dunham et Jennifer Konner pour HBO, l'anniversaire de David Tennant, organisé par Jennifer Garner, dégénère et révèle les failles d'un groupe d'adultes.
Entre 2015 et 2016, HBO nous offrait avec Togetherness un portrait drôle et touchant de quadragénaires en pleine crise existentielle. La série n'aura duré que deux saisons malheureusement, mais restera comme une des meilleures propositions de la chaîne, et du monde sériel en général. Avec Camping, nouvelle série des créatrices de Girls adaptée d'un programme britannique, on repense inévitablement à celle des frères Jay Duplass et Mark Duplass qui la précède. Là encore, les doutes et questionnements de quadras en couple, réunis dans un camping pour quelques jours, sont au centre du show. Sauf qu'à rester trop léger et à ne pas pousser ses protagonistes dans leurs retranchements comme on l'espérait, Camping apparaît bien moins mémorable.
C'est du moins le constat qu'on peut se faire après quatre épisodes sur huit (mis à disposition par HBO), dont deux servent avant tout à mettre en place une situation, pourtant plutôt simple. Pour le 45e anniversaire de Walt, sa femme Kathryn a organisé une virée au camping avec plusieurs de leurs amis. Control freak par excellence, elle va vite voir que rien ne se déroule comme elle l'avait prévu, alors que les invités accueilleront avec joie l'arrivée surprise de Janice, nouvelle conquête de Miguel, un peu trop sauvage pour Kathryn.
Un couple mal accompagné
Ce n'est alors pas tant en explorant les caractères de l'ensemble du groupe (une bonne dizaine de personnes) que Camping parvient la mieux à faire passer ses messages - question du racisme et de la place des noirs aux Etats-Unis, des addictions, du libertinage, de l'engagement, de la masculinité à afficher pour les hommes, du conditionnement des femmes... - que lorsqu'elle se concentre sur le couple Kathryn/Walt. Elle, à peine remise d'une hystérectomie, provoque une empathie évidente, en dépit de son caractère obsessionnel. C'est peut-être là la force de Lena Dunham et Jennifer Konner, qui tout en partant d'un personnage agaçant, en font une femme compréhensible, presque attachante. Ceci étant dû, en grande partie, grâce à son interprète, Jennifer Garner, excellente en femme mal à l'aise, tendue et froide.
Oui, elle se montre trop autoritaire et surprotectrice à l'égard de son fils (et de tous), mais il ne faut pas longtemps pour y voir un mécanisme de défense pour un personnage en détresse qui ne peut combler les attentes des autres. Il n'y a qu'à voir ce passage où, pensant qu'elle acceptera enfin qu'ils fassent l'amour, Walt se jette sur sa femme, le pantalon sur les chevilles. En raison des suites de son opération, Kathryn refuse et le repousse. Tous deux finissent alors décontenancés, honteux et désolés, mais surtout attristés par leur incapacité à ne pas se comprendre désormais. Avec eux, la série évite judicieusement les clichés et en fait des personnages profondément humains, pleins de bonnes volontés, mais incapables de s'en sortir seul. La question du sexe dans le couple, vue et revue, prend là une autre dimension et touche même à l'émotion. Chose malheureusement trop rare durant ces premiers épisodes de Camping.
La touche un peu trop légère de Dunham / Konner
On retrouve alors là le regard humain et, osons-le, féminin du duo Dunham / Konner, capable, comme avec Girls, de se focaliser sur les problématiques des femmes de leur génération (les jeunes adultes de Girls pour Dunham, les quadras pour Konner), sans pour autant se fermer à celles des hommes. Notons, par ailleurs, cette manière très personnelle qu'ont les deux auteures de filmer les corps le plus naturellement possible, avec ses défauts, et donc d'en tirer une beauté réaliste.
Dommage alors que Camping ne parvienne pas à provoquer le même intérêt pour tous ses personnages, avec davantage à offrir que ces rares moments de remise en question. Il y a pourtant tous les ingrédients pour convaincre. De l'humour, intelligent et jamais lourd (ou à la limite, cf épisode 4), des personnages empathiques, et des comédiens parfaitement trouvés (là encore, Jennifer Garner et David Tennant surnagent). Pas suffisant tout de même pour dépasser le stade de la comédie dramatique sympathique. Autant de la part d'HBO que de Lena Dunham et Jennifer Konner, on en attendait un peu plus.
Camping, créée par Lena Dunham et Jennifer Konner, à partir du 14 octobre 2018 sur HBO et OCS. Ci-dessus la bande-annonce.