CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Après l'énorme claque qu'était « Lastman », les créateurs de ce show dantesque sont de retour avec une nouvelle pépite : « Crisis Jung ».
Initialement, Crisis Jung a vu le jour le 15 juillet 2018. Mais la série d'animation vient seulement de rejoindre le catalogue de Netflix. Après la claque que Jérémie Périn et Laurent Sarfati nous ont mis avec leur excellent Lastman (voir notre critique), forcément, Crisis Jung avait toute notre attention. Et quelle surprise déstabilisante. Quel ovni inédit et inattendu. Crisis Jung, réalisé par Baptiste Gaubert et Jeremy Hoarau, n'est pas à la portée de tous, et pourtant, c'est un uppercut indescriptible.
Le Shonen à la française
Crisis Jung est une caricature du concept du Shonen. Pour ceux qui ne seraient pas familier avec ce genre du manga, un shonen représente la formule classique. C'est par exemple Dragon Ball, où un protagoniste, généralement masculin, va devoir se dépasser, et évoluer au fur et à mesure de l'histoire. Crisis Jung joue avec les clichés de ce genre, proposant un héros assez classique, qui va constamment s'améliorer d'épisode en épisode pour atteindre une forme parfaite.
La série animée reprend trait pour trait ce type de schéma narratif qu'elle répète à l'infini. Grâce à ces différents stades d'évolution, le protagoniste s'améliore à chaque épisode. Un concept simple, dont les codes sont réutilisés, avec une certaine auto-dérision.
Chaque épisode est agencé de la même façon : nouvel ennemi, le héros perd, game over, il revient plus fort, et vainc son adversaire. Une répétition qui rappelle la structure narrative d'un jeu vidéo, avec des niveaux à passer, des retours perpétuels à la case départ, des réinitialisations. Crisis Jung s'apparente également au Seinen. Un autre genre du manga, davantage destiné aux adultes, à cause de sa violence accrue et de son approche sexuelle explicite. Le show, qui ne lésine pas sur l'hémoglobine et les évocations sexuelles, semble parfois s'inspirer du manga Berserk. Un véritable classique dans les Seinens. Bref, Crisis Jung n'est pas à mettre entre toutes les mains. La série développe une violence expressive et assourdissante, des illustrations sexuelles distinctes et une répétition volontaire du schéma narratif qui peut rapidement lasser.
Une puissante quête existentielle
C'est un concept à prendre, un univers à accepter dans sa globalité. Crisis Jung joue avec les clichés précédemment présentés. Il joue avec les poncifs du manga, sans prise de tête, avec une auto-dérision à toute épreuve et un humour noir terrible. C'est trash, décalé, violent, bourré de second degré, déstabilisant, irrévérencieux, moqueur, et propose un design qui rappelle souvent Lastman. Surtout dans la matérialisation des enfants du Petit Jésus. Parce que Crisis Jung est aussi une quête existentielle, presque biblique.
C'est l'histoire d'un homme qui se cherche, qui veut retrouver l'amour perdu de son épouse décédée. Crisis Jung est l'odyssée intérieure de son héros. Une évolution constante qui doit l'amener à devenir meilleur, et ainsi reconquérir le cœur de sa femme. Chaque épisode, chaque ennemi, qui représente un sentiment différent, est en réalité l’allégorie des multiples stades des instants d'une vie. Egalement une métaphore du relationnel d'un couple à différents moments de son existence. Tendresse, maturité, force, etc... Chaque démon est la représentation d'un état émotionnel relatif à la vie de couple. Les indices sont nombreux. Outre ces ennemis aux noms identifiés, le héros est, après tout, l'Homme au cœur brisé, et une de ses capacités principales est la transformation en femme.
Crisis Jung est ainsi une véritable psychanalyse. Rien que le nom du personnage, Jung, est tiré du psychiatre Carl Gustav Jung. À chaque fois que le protagoniste perd une bataille, il retourne directement en thérapie avec ce qui semble être sa propre conscience. Ainsi, Crisis Jung est plus profond qu'il n'y paraît. Et offre une analyse poussée de l'esprit humain, de ses doutes, de ses peurs, mais également de ses capacités à s'adapter, à affronter l'adversité, pour s'améliorer. Toute cette auto-dérision a ainsi un but. Dépasser la frustration sexuelle, l'amertume du couple, peut-être même son deuil, pour atteindre un but final. Une longue introspection pour toucher du doigt une délivrance, aux allures bibliques.
Crisis Jung de Jérémie Périn et Laurent Sarfati sur Netflix à partir du 1er février 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Découvrez ici toutes nos bandes-annonces.