Deadly Class saison 1 : l'école, sa cruauté et son ennui

Deadly Class saison 1 : l'école, sa cruauté et son ennui

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - "Deadly Class", adaptation du comic de Rick Remender en publication depuis 2014, où une école forme de futurs assassins, se voulait différente des séries explorant l'âge adolescent. Mais elle ne parvient pas à se sortir d'un scénario plutôt pauvre et d'un rythme bancal, malgré un effort de production appréciable.

Deadly Class, un bon exemple de la série de demain ? Diffusée sur SyFy aux US en janvier puis en avril 2019 en France via Canal+ Séries (le nouveau service de streaming de Canal +), la série explore le quotidien d'une école de jeunes assassins. Issue du comic du même nom, créé par Rick Remender en 2014, cette série explorant le foutoir de l’âge adolescent dans une école d’assassins a sur le papier de quoi plaire. D’autant plus que l’auteur du comic a écrit les épisodes, et que les frères Russo (Avengers : Endgame) sont à la production. Hélas, l'ambition prometteuse de Deadly Class ne fait pas long feu.

Tout avait bien commencé

Pourtant, l’idée est bonne, et le pilote réussi. Nous sommes à la fin des années 80, et l’adolescent Marcus (Benjamin Wadsworth) survit dans la rue depuis l’incendie de son orphelinat, dont il est tenu responsable. Recruté sur cette réputation par Maître Lin, il intègre une école secrète où les enfants des criminels les plus accomplis du monde apprennent à maîtriser, entre autres gentillesses, l’art de l’assassinat.

Le personnage de Marcus a une grande qualité : une origine complexe. En effet, petit garçon heureux, ses parents meurent à cause du geste suicidaire d’un dément. Mais Marcus est intelligent, et pour lui le coupable n’est autre que le président Reagan, responsable d’une politique ultra libérale qui détruit les services médicaux et sociaux, et plonge les gens dans la folie.

Cette belle idée s’incarne dans un grand soin apporté à l’ambiance musicale, aux vêtements, aux manières d’une époque punk et non-connectée. Il y a donc une énergie rebelle évidente dès le premier épisode, et des personnages en marge : la jeune fille gothique, le punk joyeusement défoncé à la crête verte, Marcus l’orphelin à la réputation sanguinaire. Mais ceux-là sont les « rats ». C’est-à-dire la classe populaire de l’école, où règnent les clans composés des enfants de grandes familles. Il y a les enfants des cartels mexicains, ceux des Yakuza, de la mafia russe, des gangs afro-américains, etc. Ceux-là luttent entre eux, en enfants souvent, parfois en assassins, pour obtenir, déjà, le pouvoir dans le monde du crime.

Deadly Class se saborde rapidement

Violent, très graphique, avec régulièrement des inserts de séquences animées, on ne peut s’empêcher de penser au côté sympathico-gothique d’Harry Potter. Il y aussi un petit air des caractères de Misfits, encore quelque chose de vaguement Kill Bill. Mais tout existe plusieurs crans en dessous, et la vitesse avec laquelle le scénario s’affaiblit est effarante. L’épisode 5, "Saudade", épisode halluciné se déroulant à Las Vegas, est un sursaut d’inventivité et d’enthousiasme auquel ne s’accrochent qu’à moitié les épisodes qui suivent. La critique de la société ébauchée dans le premier épisode disparaît très vite, et la succession des problématiques adolescentes et des morts violentes ne fait pas beaucoup sens.

On a glissé un Tarantino plus haut, parce que Deadly Class choisit sciemment une histoire à la substance morale très compliquée. Si « une balle peut changer le monde », comme il l’est postulé dans la série, un seul épisode ne suffit pas pour s’affranchir du style nécessaire à jouer légèrement de la cruauté. Ce style existe dans Deadly Class, mais de manière très insuffisante. Le scénario, qui s’essouffle en voulant ménager toute la partie adolescente (l’amour, l’amitié, la jalousie, les fêtes) n’aide pas à bien lier les moments forts à ce qui précède ou suit. L'immoralité est intéressante si elle est explorée avec soin. Ce n'est pas le cas, et l'ennui finit par gagner entièrement le récit.

Éventuellement le casting parvient à sauver partiellement la série, avec Lana Condor et Benedict Wong appliqués, et surtout Maria Gabriela de Faria, révélation féminine de cette production. Mais leurs personnages virent tous, in fine, à leur caricature, avec une accentuation niaise de leur identité.

Deadly Class est-elle une série exemplaire de notre temps ?

Mixed feelings semble être le terme désignant le mieux la création cinématographique et télévisuelle aujourd’hui, dans l’ère Netflix. Les plateformes de VOD ont imposé un rythme de production dément, augmentant fortement l’offre. On observe donc, logiquement, une qualité moyenne en baisse, pour tenir le rythme et pouvoir produire des projets qui, il y a quelques années, n’auraient pas été choisis.

Il y a aussi cette histoire dans Deadly Class, de la générosité du comic et de son auteur, à la paresse et l’ennui qui surgissent, comme si les producteurs s’étaient rendus compte du caractère inoffensif de leur projet. Malgré quelques séquences spectaculaires, réanimée de l’ennui par fulgurances, cette production semble bien être symptomatique d’une industrie tournant en sur-régime. Un public a été vaguement trouvé grâce à son positionnement adolescent et énervé. Suffisamment pour une deuxième saison ? Peut-être, peut-être pas, et le pire est sans doute que cette question ne semble avoir aucune espèce d’importance pour des diffuseurs et des producteurs lancés dans une grande course de survie.

 

Deadly Class, de Anthony Russo et Joe Russo, à partir du 17 avril 2019 sur MyCanal et Canal+ Séries. Ci-dessus la bande annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Finalement, "Deadly Class" réussit au moins une forme d'expérience de l'école et de l'adolescence : l'excitation, puis un ennui seulement troublé par quelques bêtises. On retrouve avec plaisir les excès graphiques du comic, mais des excès à la limite du malaise tant le scénario manque de finesse et donc de base morale à cette histoire d'assassins en herbe.

Note spectateur : 3.64 (7 notes)