Devs : un thriller technologique pas si simple d'accès

Devs : un thriller technologique pas si simple d'accès

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Après "Annihilation" sur Netflix, qui a fait s'agiter nos neurones, Alex Garland délocalise encore ses obsessions sur le petit écran pour la série "Devs". On a pu voir les deux premiers épisodes en avant-première et on doit avouer que le voyage a été quelque peu déstabilisant.

Ex Machina appartient à la race des ces premiers films inattendus qui posent avec assurance le style de leur auteur. Alex Garland était connu comme scénariste (28 jours plus tard, Sunshine) avant ce premier long-métrage en tant que réalisateur, sur l'intelligence artificielle. Avec assez peu de moyens mais des idées et une vraie réflexion autour de son thème central, l'anglais posait les bases de son cinéma. Après une telle entrée en la matière, c'est tout logiquement qu'on l'attendait au tournant pour la suite et ce fameux saut du second film. La confirmation que l'on espérait n'a pas totalement eu lieu avec Annihilation, sorti en France sur Netflix. Toujours très propre sur la forme, Garland se perdait dans les méandres d'un scénario dans lequel le spectateur ne trouvait que rarement de quoi s'accrocher. Le réalisateur change aujourd'hui de format pour Devs, sa première tentative en série.

Quand Sergei (Karl Glusman) accepte de rejoindre le mystérieux programme Devs menée par une entreprise axée sur la technologie, il ne s'attend pas à prendre part à une expérience particulière. Mais lorsqu'il meurt dans d'étranges circonstances, sa petite-amie, Lily (Sonoya Mizuno), décidé de mener l'enquête. Et ses doutes vont se tourner vers la firme...

Sous couvert d'une enquête, Devs rejoint rapidement le travail entrepris par Garland dans ses deux premiers essais. Et rien que ce constat va vite décourager les allergiques à son cinéma, certes très virtuose sur la forme, mais extrêmement nébuleux sur le fond. Le fameux programme, qui est le coeur du scénario, adresse des coups de coude à notre curiosité par l'aura quasiment mystique qui est mise en place - la bande-son joue un rôle important là-dedans. Son géniteur, le barbu Forest (Nick Offerman), n'est pas étranger à l'émergence de ce sentiment. Avec son look négligé et son comportement habité, il se laisse percevoir comme un gourou capable du pire pour exécuter un plan qui dépasse les limites de notre sens moral. Il est question de ça mais pas question de vous en dire trop.

Devs sort le grand jeu visuellement

Deux épisodes ne sont pas suffisants pour embrasser tout le potentiel de la série, ni son propos. Mais ça l'est largement pour se confronter au style visuel très millimétré de Devs. Comme Annihilation, oui, c'est un délice à regarder. Le metteur en scène sait indéniablement composer des images. Avec notamment l'utilisation des miroirs ou des reflets, comme pour dépeindre un monde légèrement futuriste dans lequel les apparences cachent énormément de choses. Ce qui est le cas, et Garland arrive à instaurer un climat de peur sourde sans en montrer trop.

Quelque chose cloche mais quoi ? Qu'est-ce que ce fameux programme baptisé Devs ? Comme Lily, le téléspectateur veut comprendre. L'étrangeté de l'enquête en larguera sûrement quelques-uns tant Devs se complaît dans sa sophistication. À titre de comparaison, on pourrait opposer le programme à The OA - les deux partagent ce goût pour un argument de SF pas simple à faire assimiler à l'audience. La production Netflix avait su garder sa complexité en nous piquant avec des décharges émotionnelles puissantes. Une capacité qu'on n'a pas pu apercevoir dans Devs.

Une série qui peut décourager

Cette froideur ne conviendra pas à tout le monde, et si le fond de la réflexion qui travaille Garland ne manque pas de matière théorique, elle ne donne que très peu envie de se perdre dans les méandres de son labyrinthe. Tout le défi d'un tel objet qui auto-façonne son hermétisme est d'arriver à ne pas nous noyer sous la frustration. Devs flirte avec une ligne très risquée en donnant l'impression à ses téléspectateurs qu'elle les regarde de haut se débattre avec sa proposition. La série réclame donc qu'on accepte les difficultés rencontrées et demande aussi un investissement certain pour ne pas abandonner jusqu'à ce que les réponses nous parviennent. On ne peut pas vous dire si elles sont satisfaisantes quand cela arrive mais on peut vous promettre que Devs s'extrait de la masse par son exigence. Elle tient ses défauts de cette qualité, qui n'est pas à la portée de tous.

Devs, à partir du 6 mars 2020 sur Canal+ Séries. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Pas forcément facile à aborder, Devs sort le grand jeu sur la forme mais peut désarçonner par sa froideur ou sa complexité.

Note spectateur : 2.55 (2 notes)