CRITIQUE / AVIS SÉRIE - L'autre succès espagnol de Netflix, "Élite", revient pour une seconde saison, même pas un an après la diffusion de la première. Les élèves font leur rentrée, rejoints par des nouveaux, dans une série qui continue de parler de sujets modernes.
Lors de son apparition sur la célèbre plateforme, Élite était portée par le succès de La Casa de Papel, météorite espagnole dont l'atterrissage a fait grand bruit. Justement, la série pouvait s'appuyer sur des têtes déjà vues dans celle-ci pour parler aux abonnés. Mais cette filiation ne devait pas être une fin pour se créer une identité. Car Élite n'a rien à voir avec les aventures des braqueurs fantasques, se concentrant sur une école haut de gamme dont le programme doit permettre de former les grands talents de demain.
Un contexte où se côtoient les enfants gâtés de la bourgeoisie espagnole et qui va accueillir quelques élèves, issus de la classe populaire, après que leur école ait été au centre d'un terrible accident. Plongés dans un milieu rempli de requins, ces arrivants vont être au cœur d'un meurtre qui va chambouler la vie de ceux qui sont impliqués de près ou de loin. Cette seconde salve d'épisodes s'ouvre sur la rentrée de l'année après le drame. Tout le monde a encore en tête ce qui s'est passé et les secrets sont encore enfouis. Netflix a programmé la mise en ligne de cette saison pour justement être en accord avec la vraie rentrée. Est-ce que Élite peut marquer les esprits en cette période qui s'annonce chargée ?
Des thèmes modernes
L'enquête est, pour nous, loin d'être la principale attraction de cette série dont le public visé est évident. Cette saison évoque toujours la mort de Marina mais la police va être occupée par une autre affaire à résoudre. Quelqu'un, dont nous ne révélerons pas l'identité, a disparu. Ce qui va davantage nous intéresser est cette attitude qu'a Élite à embrasser des thèmes modernes. La lutte des classes est le nerf de la guerre mais on y parle aussi des réseaux sociaux et de leur influence, de la religion dans une société qui prône les dérives, de la sexualité sous toutes ses formes, de la définition de l'amitié sincère alors que le paraître prime. Tout cela est contenu dans Élite. Et si la finesse d'écriture ne sera jamais une des qualités du show, on lui reconnaît une force pour évoquer des problématiques qui vont toucher la jeunesse actuelle.
On ne peut plus faire plus raccord avec la réalité que ce que les personnages font des réseaux sociaux par exemple. Cette envie permanente de se mettre en scène, quitte à dissimuler qui l'on est vraiment, pour s'assurer d'exister dans la jungle virtuelle, est parfaitement illustrée dans la série. Le traitement des différentes sexualités est aussi une source de satisfaction, allant même jusqu'à présenter des combinaisons qu'on n'avait pas réellement vues venir. D'autres l'ont fait avant et le feront plus tard, mais c'est bien qu'en 2019 des programmes pour adolescents n'aient pas peur de bousculer les codes et ne soient pas binaires.
Enfin, la religion n'est pas en reste, au travers des personnages d'Omar et Nania. L'évolution de cette dernière manque de subtilité (ce passage où elle sort des toilettes de la boîte de nuit sans son foulard ne fait pas dans la dentelle). N'empêche qu'elle a le mérite d'exister avec toute sa portée progressiste. N'ayant eu que le début de la saison à notre disposition, on ne peut juger si tout cela a un développement encore plus intéressant jusqu'à la fin.
Une enquête pataude
La première saison arrivait convenablement à combiner le versant judiciaire (via les flashbacks) avec l'étude de caractères. L'effet de surprise, la découverte, y étaient pour beaucoup dans l'efficacité de la recette. Maintenant que nous connaissons davantage les personnages, retomber dans une autre enquête est moins prenant. Des lourds secrets régissent les dilemmes moraux de cette saison 2, ce qui reste insuffisant pour se passionner à propos des raisons du suspense. La disparition d'un élève central est intrigante mais menée avec trop de distance pour qu'on s'investisse. La série joue trop avec le temps et nous donne en permanence des miettes pour parler du fond du problème. Le téléspectateur doit faire avec une frustration inconfortable.
La narration avance lentement, laissant les personnages évoluer avec leurs enjeux personnels, au lieu de s'occuper d'un tout. On a cette impression de manque d'osmose entre le pur teen drama et le récit policier. Élite ne réussissant pas sur les deux tableaux, cette seconde saison démarre sous des auspices mitigés. Peut-être que ces défauts seront rectifiés dans la suite à laquelle nous n'avons pas eu accès. Une rentrée 2019 moyennement convaincante pour cette série qui sait par quel côté parler à son public avec modernité mais qui n'y met pas toujours les bonnes manières pour franchir un cap.
Élite créée par Carlos Montero et Darío Madrona, saison 2 le 6 septembre 2019 sur Netflix. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.