Family Business : le trip imparfait d'une production locale

Family Business : le trip imparfait d'une production locale

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Nous avons vu la nouvelle série Netflix made in France. Servie par des comédiens expérimentés, "Family Business" pouvait s'imposer comme le "Weeds" local. Hélas, les quelques bonnes séquences ne sauvent pas la série de son scénario bancal et d'une fâcheuse tendance à la vulgarité.

Peu probable que vous ayez échappé à la publicité autour de Family Business, réalisée par Igor Gotesman, avec notamment Jonathan CohenGérard Darmon et Julia Piatonqui s'affiche encore sur tous les supports possibles et imaginables. Netflix a en effet mis les petits cendriers dans les grands pour présenter sa série originale, avec une histoire qui devait séduire : transformer une boucherie en coffee shop. Dans le premier pays européen consommateur de la chose, cela revient à prêcher des convertis.

Netflix prend ses aises

Netflix est une entreprise puissante. Difficile de dire si les risques que la plateforme prend sont critiques, tant ses ressources semblent vastes. Après plusieurs productions “originales” françaises de qualité très médiocre, Netflix a opéré des changements pour se rapprocher des populations locales, à savoir les professionnels et le public qui font la fabrication et la réception d’un show

C’est dans cette idée que Netflix produit Family Business, une série dont le coeur de la première saison est une boucherie casher du Marais, tenue par la famille Hazan, dont le père Gérard joue une partition d’acariâtre réfractaire à la modernité, et dévasté par la mort de sa femme un an plus tôt. Son fils, Joseph (Jonathan Cohen), veut lui s’échapper du destin qui le condamne à reprendre la boucherie, mais ses projets très compliqués, pour ne pas dire totalement foireux, ne le mènent nulle part. Sur le plan personnel, il cache à un de ses meilleur amis qu'il est en couple avec sa sœur. Vient enfin l'idée a priori géniale mais qui se révèle bien sûr très compliquée : transformer la boucherie en "beuhcherie", puisque Joseph tient l’information que le cannabis sera bientôt légalisé.

Family Business est porté par ses comédiens

Jonathan Cohen fait ce qu’il sait faire, et c’est toujours un plaisir de le voir développer son talent comique. Family Business s’appuie sur sa capacité d’entraînement, car si Joseph aligne les maladresses en permanence, il fédère autour de lui, sa sœur, ses potes, les potes de potes, et son caractère irrésistible de comédien se porte naturellement sur son personnage. L'acteur porte la série, et on devine que les clés lui ont été laissées, quitte à redonner du "Serge le mytho" trop souvent. C'est notamment pour dissimuler sa relation avec Aïda qu'il invente des expériences sexuelles grotesques et vulgaires. Malgré le talent du comédien, qui est souvent très drôle, l'écriture ne suit pas toujours et amène quelques séquences gênantes.

À ses côtés, il faut rendre honneur à Aure, incarnée par Julia Piaton qui joue une fille de son temps, et la seule à peu près responsable dans cette bande de bras cassés. Pragmatique, déterminée, consciente de ce qui est en jeu, elle est une vraie respiration dans la série. Quand les autres comédiennes voient leur féminité tournée en ridicule ou objectivée, elle bénéficie d’une écriture plus fine et plus tenue. Plus que le thème "cannabique" de la série, c'est son personnage qui inscrit Family Business dans une véritable actualité.

De l'enthousiasme au bad trip

Régler les problèmes créés pendant les trois premiers épisodes est l’objet des trois derniers, et ce n'est qu'au troisième que l'action commence réellement, avançant sur le nouveau business et proposant des rapprochements entre les membres de la famille. On ne boude pas alors son plaisir quand père et fils se réconcilient autour d’un joint à Amsterdam, et le duo Cohen-Darmon s’en donne à cœur joie dans une défonce qu’on jurerait authentique. Ce troisième épisode, pivot essentiel de la narration, est peut-être le plus réussi, clôturant une introduction légèrement trop longue, accélérant le rythme et ouvrant à la résolution des différents conflits de la série. 

Family Business a d’indéniables qualités : l’actualité de son scénario, un casting performant, et quelques situations véritablement drôles. Netflix a produit un effort “local”, en engageant un des comédiens les plus populaires de sa génération, et en donnant à cette production une véritable facture de “série de potes”, une pratique que le réalisateur Igor Gotesman maîtrise depuis son film Five. La série est sur ce point attachanteMais la série a aussi des défauts très visibles, dont une fâcheuse tendance à confondre la culture “street” et la vulgarité. L’authenticité des dialogues, une problématique récurrente des productions françaises, crée une zone confortable et libérée, pour le meilleur mais aussi parfois pour le pire. Toute la partie romantique de l’intrigue, la relation entre Joseph et la sœur de son meilleur ami, est ainsi grevée par des blagues douteuses et des “mythos” tendance hardcore. Aussi, la sur-utilisation du vocable "frère" n'est pas la meilleure pioche du vocabulaire contemporain, et agace plus qu'autre chose.

Une saison 2 serait en discussions entre les créateurs et la plateforme. Le plus dur dans la drogue, c’est de décrocher, et Netflix espère bien avoir assez d’accros pour n’avoir aucune raison de le faire. Immoral ? Pas du tout, simplement dans l’air du temps. 

 

Family Business, de Igor Gotesman. Disponible sur Netflix depuis le 28 juin. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Pour une série originale Netflix, Family Business fait mieux que ses consoeurs, sans pour autant parvenir à vraiment convaincre. Les principaux comédiens portent cette histoire et réservent quelques très bons moments, malheureusement assez rares.

Note spectateur : 3.28 (33 notes)