CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Jonathan Entwistle continue de s'attaquer au travail de Charles Forsman, toujours pour Netflix, dans "I Am Not Okay With This". Après "The End of the F***ing World", il est encore question de l'adolescence, mais cette fois avec des teintes fantastiques.
Un mélange entre The End of the F***ing World et Stranger Things. La formule, que l'on peut lire un peu partout, a une raison d'être. Jonathan Entwistle, le créateur de la première, est toujours dans le coup. Les producteurs de la seconde, le sont aussi. Autant dire que I Am Not Okay With This part avec ce double argument commercial à mettre en exergue mais la série doit faire ses preuves comme entité à part entière.
Tirée du roman graphique éponyme de Charles Forsman (déjà derrière celui de The End of the F***ing World), I Am Not Okay With This s'attarde sur Sidney, une adolescente qui se définit comme "sans intérêt". Arrivée dans un coin paumé de Pennsylvanie (sa ville est perçue comme la plus polluée du pays, ça vous pose le décor), elle doit tenter de refaire sa vie après la mort de son père. Pas évident de trouver sa place dans un tel endroit quand on a cet âge, qu'on est timide et que le monde ne nous donne pas envie de se dévoiler. Amoureuse de sa meilleure amie, Sidney va découvrir qu'elle peut manier une force surnaturelle. Entre la gestion de l'adolescence et la maîtrise de ce don, la vie s'annonce toujours plus compliquée pour elle.
C'est ce traitement de l'adolescence emplie de désillusion qui rappelle immédiatement The End of the F***ing World. Jonathan Entwistle en reprend une grande partie du style, avec une utilisation très marquée de la musique, une identité visuelle qui s'en rapproche et un humour qui fait parfois mal là où il passe. La différence avec les aventures d'Alyssa et James, qui justifie qu'on cite Stranger Things, est dans l'argument fantastique avancé par I Am Not Okay With This. Même si, on s'y attendait, les pouvoirs de Sidney sont un amplificateur pour évoquer cet âge ingrat. Une pratique assez courante dans le genre.
Sidney au bal du diable
Le premier épisode de I Am Not Okay With This s'ouvre sur la jeune héroïne, couverte de sang, déambulant dans les rues de sa ville. La référence à Carrie, le roman culte de Stephen King, saute aux yeux. L'aspect religieux en moins, I Am Not Okay With This peut se présenter comme une version actualisée, plus pop, où le versant surnaturel du personnage traduit des souffrances psychologiques dans un environnement qui ne laisse pas de place à la différence.
La comparaison avec l'oeuvre de King peut être poussée encore plus loin dans le déroulement de cette saison mais ce serait vous gâcher certaines péripéties que d'en dire davantage. D'autant plus que I Am Not Okay With This touche au but dans tout ce qui est très réaliste : les relations entre les personnages, l'ambivalence de Sidney par rapport aux événements, la description d'un microcosme qui sait user des clichés sans s'enliser dedans.
On apprécie les quelques manifestations fantastiques parce qu'elles ne sont jamais gratuites - encore moins très spectaculaires. Elles sont le résultat d'un cheminement émotionnel secouant Sidney, et surviennent comme des secousses. Le fantastique s'enclenche toujours pour répondre à des problématiques universelles sur le monde des ados. Le public de cet âge risque de tomber fortement sous le charme d'un univers qui leur parlera sans filtre. La série n'a pas le degré de noirceur de The End of the F***ing World mais elle pose un regard parfois dur sur les difficultés rencontrées lors de l'adolescence. Et avec elle également une Sophia Lillis assez dégourdie pour emporter l'adhésion.
Un public plus âgé pourra, par contre, rencontrer plus de difficultés à entrer dans I Am Not Okay With This. La faute à une inexistence ou inconsistances des adultes qui entourent la petite bande de personnages principaux. Un reproche qu'on lui adresse qu'à demi-mot, tant elle ne promettait jamais de vraiment leur parler. Néanmoins, la lecture des événements ne se joue qu'à un seul niveau. Et la série ne brillera pas par son originalité en étant trop dans les pas de ses prédecesseures. Si on se précipite pour citer des références comme The End of the F***ing World et Stranger Things, c'est parce que I Am Not Okay With This a le malheur de passer après elles en reprenant quasiment tous les ingrédients qui font leur réputation. Elle n'a cependant ni l'amertume de la première, ni le sens du spectacle de la seconde. C'est sa grande limite, qui ne l'empêche pas d'être un programme fort sympathique au demeurant.
I Am Not Okay With This, à partir du 26 février 2020 sur Netflix. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.