Kidding : du rire aux larmes en compagnie de Jim Carrey

Kidding : du rire aux larmes en compagnie de Jim Carrey

CRITIQUE SÉRIE - Un Jim Carrey en très grande forme porte "Kidding", la série événement de la rentrée sur Showtime, diffusée à partir du 11 septembre sur CANAL+ Séries en France.

Michel Gondry retrouve Jim Carrey. Ce simple argument devrait normalement suffire pour vous prouver qu'il faut s'intéresser à Kidding. Les deux hommes ne s'étaient plus remis au travail ensemble depuis plus de dix ans, alors que leur collaboration a été une franche réussite sur ce chef d'œuvre dépressif qu'est Eternal Sunshine of the Spotless Mind. On savait que Jim Carrey était un grand acteur comique avant cela. Gondry l'a amené sur un autre terrain, le poussant à aller puiser en lui toute une palette d'émotions que l'on avait peu l'habitude de le voir déployer. Le réalisateur se souvient parfaitement des possibilités offertes par celui qui, il fût un temps, jouait les imbéciles heureux dans Ace Ventura ou Dumb & Dumber. Du cinéma régressif volontairement idiot qui ne misait que sur une seule facette de l'acteur.

Dans Kidding, Jim Carrey incarne Jeff Pickles, une star d'un programme télé pour enfants ayant pour but de les aider à appréhender la vie. Devenu une icône, même pour les adultes, Jeff a en réalité une vie loin d'être si belle. Endeuillé par la perte d'un enfant, séparé de sa femme, il est dans le privé assommé par une dépression qu'il peine à combattre. Sa popularité le force à toujours sourire, à afficher un masque pour que ses propres problèmes ne soient pas visibles par ses fans.

Gondry fait du Gondry

Michel Gondry, en grand artisan qu'il est, sait comment aborder visuellement cette composition de sourires artificiels et de tristesse sous-jacente. Il crée un univers où les couleurs vont et viennent en fonction d'où se situe le personnage principal. Devant la caméra de l'émission qu'il représente, Jeff parcourt un monde coloré, peuplé de peluches qui parlent. Une fois en dehors du plateau, il retombe dans un quotidien plus morne dominé par des couleurs ternes, où la seule éclaircie est le sourire fragile qu'il affiche face aux épreuves qu'il endure.

L'idée est simple mais suffisante pour délimiter distinctement les deux ambiances, traversées par un flux tendu d'amer désespoir. Gondry peut y imprimer sa patte et laisser sa créativité s'exprimer en utilisant des effets qu'il connaît (stop motion, accélérés). On sent qu'il y a une personnalité derrière la caméra, en réalisant les deux premiers épisodes il donne la marche à suivre. Ses fans y trouveront ce qu'ils aiment, des décors fantaisistes aux trouvailles inventives dans la mise en scène, à l'image de cette très belle séquence dans le troisième épisode où la caméra va et vient dans un mouvement continu ininterrompu pour dépeindre le changement de mode de vie d'une femme influencée par les discours de Jeff.

Qui de mieux que Jim Carrey pour donner corps à ce personnage principal au visage angélique, réceptacle de biens nombreux maux ? Dans le cadre de son travail, il doit laisser à la cave ses propres sentiments pour se mettre au service des valeurs du show qu'il défend. Et son père se garde bien de surveiller que rien ne déborde. Jeff tente à plusieurs moments de déborder, de sortir des codes. Mais la patrouille veille au bon fonctionnement de l'empire. Cette figure paternelle est une des réponses au comportement de Jeff. Préoccupé par ce qu'il a construit, le père voit son fils comme un objet de travail, un enfant que l'on peut moduler, manipuler, pour le faire rentrer dans une case. Ce qui le rend inadapté au monde extérieur. Également père, Jeff ne dégage aucune autorité ni masculinité même pour son fils, qui n'hésite pas à remettre en cause ouvertement sa virilité. Jim Carrey convient parfaitement dans ce rôle, n'ayant jamais été synonyme de testostérone à Hollywood.

The Jim Carrey show

Comme attendu il brille lorsqu'il doit donner de sa personne dans un registre comique très expressif. Les séquences où il est en one-man show rappellent qu'il n'a rien perdu de son énergie. Ce n'est cependant pas sur ce terrain qu'il nous captive le plus mais lorsque ses blessures sont décelables. Son visage dégage dans ces moments une large gamme de nuances et n'est jamais aussi touchant que lorsqu'il s'efforce de camoufler les larmes pour se maintenir à flot. Son immense talent n'a jamais été remis en question quoi qu'il arrive mais il est un peu seul dans Kidding à nous offrir quelque chose. Passé l'argument Jim Carrey et un emballage séduisant, la série tourne assez rapidement en rond dans les quatre premiers épisodes que nous avons pu voir. Dans son discours, ce que la série veut dire du monde, se tient en une ligne fragile où se confond naïveté et étonnante profondeur. Tel un équilibriste, Jim Carrey s'aventure dessus sans ne jamais chuter.

Les personnages secondaires ne sont, par exemple, pas assez mis en valeur pour qu'on s'intéresse à leurs scènes. Chacun ne prend de la valeur que lorsqu'il est au contact de Jeff et parce qu'il a des répercussions sur lui. Ajoutons à cela que l'arc narratif de ce dernier n'évolue pas de manière significative et on se met rapidement à rester sur notre faim, constatant que la série n'en a pas tant que cela sous le pied. Reste Jim Carrey qui surnage complètement, une boule d'attraction capable avec brio de nous arracher un sourire comme de nous émouvoir dans le même temps. Malgré la minime déception, ce qui reste en queue de comète, c'est ce visage, paysage à part entière dans la galaxie Hollywood, aux reliefs si passionnants à arpenter.

Kidding, créée par Dave Holstein, diffusion à partir du 11 septembre sur CANAL+ Séries et dès le lundi 10 septembre sur CANAL+ À LA DEMANDE/myCANAL. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Un Jim Carrey impérial ne peut hélas pas cacher les quelques carences de Kidding.

Note spectateur : Sois le premier