CRITIQUE SÉRIE - Le phénomène "La Casa De Papel" est de retour sur Netflix avec une seconde saison.
On a souvent mis en avant (à juste titre), le sens du marketing que possédait Netflix pour nous vendre ses produits. La compagnie de streaming sait toujours faire parler d'elle, provoquer l'événement même lorsque le résultat n'est absolument pas à la hauteur. Du moins, lorsque les concernées sont ses productions originales. Stranger Things, 13 Reasons Why, Narcos, Mindhunter, Orange Is The New Black ou tous les dérives made in Marvel ont toujours provoqué un certain engouement médiatique.
Pour La Casa De Papel, la situation est un brin différente. Diffusée en Espagne sur la chaîne Antena 3, Netflix flaire le bon coup et acquiert les droits pour le reste du globe. Dans l'anonymat, la série débarque le 20 décembre 2017 avec une première saison de 13 épisodes. Étrange situation : aucune promotion, pas de mise en avant particulière, la presse passe à côté. Peut-on réellement parler de "bon coup" ou est-ce un heureux accident ? La balance penche pour la seconde option... Un mois plus tard, surprise ! Le bouche-à-oreille fait son effet. Les gens en parlent, les références commencent à poindre, les médias spécialisés sortent un à un des articles pour relayer leur intérêt. Les réseaux sociaux se sont chargés du travail. Le phénomène est lancé.
Une mécanique de narration redoutable
La Casa De Papel, c'est l'histoire d'un braquage fou. Réunis sous la houlette d'un petit génie surnommé Le Professeur (Álvaro Morte), huit criminels prennent en otage la Maison Royale de la Monnaie d'Espagne avec comme intention de fabriquer des millions d'euros. Si, sur le papier, tout était organisé au millimètre, les choses ne vont pas tarder à dérailler. Un postulat de base forcément accrocheur pour le spectateur puisqu'il joue sur deux temporalités où le présent en marche se confronte aux flashback. En résulte une mécanique de narration redoutablement ludique, les éléments étant dévoilés avec un vrai sens du timing au fil des épisodes. Il suffit de se plonger dedans puis très vite on se laisse prendre au jeu pour voir jusqu’où le plan du Professeur est élaboré. Et à quel moment, tout va disjoncter !
À condition que l’on accepte que le scénario ose des revirements de situation difficilement crédibles juste par envie de nous surprendre. Comme si les scénaristes voulaient absolument nous en mettre plein la vue. Un modus operandi bancal, au service de l'épate permanente, qui n’arrive pas toujours à camoufler des soucis de rythme - un comble. Tout ce qui touche au background de Raquel Murillo (Itziar Ituño) alourdit par exemple inutilement une intrigue déjà bien chargée. Le sous-arc narratif avec son ex-mari a l'air d'être posé là juste pour qu'une scène dans une voiture entre lui et le Professeur puisse se dérouler. La seconde saison, plus condensée car composée de 6 épisodes de 70 minutes (10 de 40 à 50 minutes sur Netflix), maintient mieux la cadence.
Une bande de personnages charismatiques
Si on se demande pourquoi le public a autant été séduit par la série, la réponse doit se trouver du côté des personnages. Force est de reconnaître qu'une bonne partie du casting remporte assez rapidement notre adhésion, notamment l'inévitable tête brûlée Tokyo (l'irrésistible Úrsula Corberó) ou le complexe Berlin (Pedro Alonso). Ce dernier est celui que la série arrive le mieux à construire. Ni gentil ni réellement méchant, son personnage gagne en nuance épisode après épisode.
Le duo père/fils entre Moscou (Paco Tous) et Denver (Jaime Lorente) fonctionne lui aussi très bien. Les flashback ne permettent pas seulement de nous faire comprendre comment le plan a été conçu en amont, mais servent à approfondir les personnages, leurs relations. La complicité, les tensions, les traumas, tout passe par ce vecteur narratif pour ensuite rejaillir dans le feu de l'action. Une fois un certain stade franchi dans la progression narrative, la double temporalité garde de sa pertinence uniquement pour sa capacité à approvisionner la caractérisation des personnages.
Mais avec autant de protagonistes à gérer, la série ne réussit pas tout dans leur utilisation. On regrette, par exemple, que les colosses Oslo (Roberto García) et Helsinki (Darko Peric) soient sous-exploités par les scénaristes. Ils sont relégués au rang de sidekick alors qu'ils détiennent un vrai potentiel, à la fois comique et narratif. Une telle présence physique méritait une écriture à la hauteur...
En cherchant à se positionner comme un pur divertissement, la série fait indéniablement le job. Son énergie et sa générosité lui permettent de remporter l'adhésion. Malgré les rumeurs, La Casa de Papel ne reviendra pas pour une troisième saison. Heureusement ! Cela lui permettra de ne pas écorcher sa réputation avec une hypothétique nouvelle aventure que l'on avait du mal à imaginer. Mieux vaut rester sur une bonne note. Mais cela ne garantit pas à la série de perdurer dans l'esprit des spectateurs. Le phénomène, aussi sympathique soit-il, sera vite obsolète. Un buzz laisse toujours sa place au suivant. Dans un monde régi par la culture de l'instant et dicté par les réseaux sociaux, la destinée de La Casa de Papel semble toute tracée.
La Casa de Papel créée par Álex Pina, saison 2 sur Netflix à partir du 6 avril 2018. Ci-dessus la bande-annonce.