CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Le Gentleman cambrioleur a droit à une nouvelle déclinaison avec la série "Lupin" sur Netflix. Une adaptation très libre, qui se réclame de son temps, avec un Omar Sy dévoué à la cause. Le bon fond est vite rattrapé par des défauts trop prédominants.
Lupin : une relecture adaptée à notre époque
Arsène Lupin n'a pas à se plaindre. Depuis sa création par Maurice Leblanc, le personnage a connu pléthore d'adaptations sur le petit et le grand écran. Celui que l'on surnomme le Gentleman cambrioleur est un as dans l'art d'obtenir ce qu'il veut grâce à sa malice. Son ancrage dans la culture populaire fait que tout le monde a une certaine idée arrêtée sur qui il est. Pourtant, on vous promet que vous n'avez jamais vu le personnage tel qu'il est dans la nouvelle série Netflix.
Lupin se passe de nos jours et suit Assane Diop, un homme aux origines sénégalaises qui a grandi en France, en voyant son père servir une famille de la grande bourgeoisie. Jusqu'au jour où il est accusé à tort d'avoir volé un précieux bien. Assane, devenu plus grand, va essayer de prouver que son père était innocent. Aidé par les enseignements appris dans les livres d'Arsène Lupin, il va s'inspirer de cette figure mythique pour parvenir à ses fins.
Lupin se veut être une relecture moderne du personnage. D'ailleurs, le héros ne s'appelle pas ainsi mais se revendique comme un héritier. Pour essayer de capter quelque chose de notre temps, la série présente une figure de couleur. Une première, jamais Arsène Lupin n'avait été un homme noir. Une refonte qui n'étonnera pas en 2021, avec l'évolution en faveur de plus de diversité. Un héros de couleur juste pour le geste n'aurait qu'un maigre intérêt. La série s'adapte alors à la réalité sociale, en faisant d'Assane un homme qui connaît la différence entre les classes de notre société. Et qui sait justement retourner la situation à son avantage. Parce que ces gens, qui "vivent en haut" se contentent de voir, à défaut de regarder, "ceux d'en bas".
À plusieurs reprises, Lupin met en exergue les préjugés et se pare d'une portée politique. Il fallait donc une star pour incarner ce propos et c'est Omar Sy qui se charge de porter le programme. L'immense star française, que l'on connaît aussi à l'étranger, retrouve ici des thèmes qui ont déjà habité sa filmographie par le passé. Chez Éric Toledano et Olivier Nakache, mais aussi dans De l'autre côté du périph ou dans Chocolat.
Le discours social qui se glisse dans Lupin n'est pas le plus fin qui soit mais se fond avec cohérence dans l'univers actuel que se forge la série. Avec plusieurs références bien exploitées à Arsène Lupin. Le gros coup du premier épisode concerne le collier de la Reine, l'un des grands faits du vrai cambrioleur dans les romans. Assane va également se plonger plusieurs fois dans différents livres, comme quand son père lui laisse un message à décoder dans Les confidences d'Arsène Lupin. Pour les fans, la relecture reste respectueuse, dans l'esprit, du matériau de base.
Une écriture superficielle
Dommage que le plaisir ne soit pas aussi poussé qu'on le voudrait, car le spectacle affiche un niveau moyen dans son ensemble. Nonobstant un état d'esprit moderne à saluer, le traitement manque de punch et de charme. Quelques tours de magie sont assez rigolos mais la série adopte toujours le même procédé en nous bluffant puis en nous expliquant très ouvertement ce qu'il vient de se passer. Une énorme part de magie s'évapore à cause de grosse ficelles narratives parce que l'on refuse de laisser le téléspectateur avec des doutes. La pirouette fonctionne avec l'échange des colliers mais très vite une certaine redondance s'installe.
Les situations présentées ne sont pas du tout aidées par des méchants écrits à la va-vite. Tous les opposants à Assane sont des clichés ambulants et on comprend qu'il parvienne à les tromper tant ils semblent ne rien avoir dans la tête. Les malfrats en prison ou dans les cités, le riche homme d'affaires qui magouille, les policiers incapables... Pas un seul n'échappe à une écriture trop grossière pour que les enjeux deviennent un tant soit peu trépidants.
On pourrait presque dresser le même constat pour Assane, dont les flashbacks viennent alourdir une personnalité que l'on cerne très bien dans le présent. Ses valeurs sont rapidement comprises et, à partir du second épisode, la série ne fait plus rien de son regard sur le monde actuel. Cependant, le personnage a la chance d'être porté par la personnalité la plus talentueuse du casting. Ce qui fait une sacrée différence. Omar Sy ajoute une vraie épaisseur à son Lupin par sa présence imposante. Il n'est pas suffisant pour compenser le fossé entre les intentions et l'exécution mais s'avère être un solide pilier pour maintenant l'ensemble à flot.
Lupin créée par George Kay, sur Netflix à partir du 8 janvier 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.