CRITIQUE / AVIS SÉRIE – Amazon Prime Video lance sa série française "Mixte", et ses plaisantes tranches de vie du quotidien d'élèves et de professeurs d'un lycée de Province qui découvrent les balbutiements de la mixité en 1963.
Retour vers l'émancipation des années 1960
Dans les séries françaises, le sujet des lycéens et de leurs professeurs est très prisé en ce moment, à l’instar de Skam, La Faute à Rousseau ou L’École de la vie. La nouvelle série Mixte sur Amazon Prime Vidéo (dont nous avons vu les trois premiers épisodes) n’échappe pas à l’air du temps mais rajoute une touche historique originale intéressante. Elle offre en effet au spectateur un bond dans le passé, le ramenant au tout début de la mixité dans un lycée de Province, en 1963.
Onze jeunes filles font donc leur rentrée en classe de Seconde dans le lycée Voltaire et la caméra suit la destinée de trois d’entre elles. D’abord la naïve Michèle (Léonie Souchaud), qui rejoint son frère Jean-Pierre (Baptiste Masseline), objet de fierté de leurs parents charcutiers. Puis la romantique Simone (Anouk Villemin), fille de Pieds Noirs restés en Algérie après l'Indépendance et accueillie par sa tante. Et enfin la très sexy Annick (Lula Cotton-Frapier), qui doit gérer la vie amoureuse de sa mère en plus de sa vie lycéenne.
Grâce à une reconstitution fidèle, la créatrice Marie Roussin (directrice d’écriture de la saison 1 de Les Bracelets rouges) réussit à capter l’essentiel de l’époque et du comportement lycéen du début des années 60. Elle est aidée par les deux réalisateurs Alexandre Castagnetti (épisodes de 1 à 4) - dont on connaît l’appétence pour la vie des lycéens (Tamara, La Colle) - et Edouard Salier (épisodes de 5 à 8).
Un lycée avant-gardiste
Les filles sont confrontées aux réactions des garçons, qui oscillent entre hostilité, gêne, dépit et attirance. Et Mixte montre très bien la naissance de deux camps. Le camp qui considère que le loup est entré dans la bergerie, proclamant que les filles déconcentrent les garçons et n'ont pas le même cerveau. Et ne voit en elles, comme le beau gosse Joseph Descamps (Vassili Schneider), qu'un appel à la débauche.
Certains professeurs réfractaires au changement ne sont pas en reste de réserves et de reproches. Ainsi la professeure d’histoire Madame Giraud, surnommée Barbe Bleue (Anne Le Ny) ou le professeur de latin Monsieur Douillard (Gérald Laroche), qui exprime ses ressentis en latin (très bonne idée). Les scènes de ces humiliations et remarques déplacées sont parfois cousues de fil blanc mais toujours moquées par les auteurs.
Heureusement, dans l’autre camp féministe, certains vont se battre pour que les filles restent et trouvent leur place. D’abord le « surgé » - surveillant général - Paul Bellanger (Pierre Deladonchamps, qui poursuit après Romance son incursion dans l'univers des séries). Paul, marié à Jeanne (Maud Wyler), infirmière au lycée, est par ailleurs l'oncle de Michèle et Jean-Pierre. La présence de sa nièce l'aide à changer son fusil d’épaule, lui qui était plutôt contre l’idée du Proviseur Jacquet (François Rollin) à propos de la venue des filles.
Puis les jeunes garçons eux-mêmes vont développer un système d’entraide et devenir de meilleures personnes au contact des jeunes filles. Ainsi Henri Pichon (Nathan Parent), doté d’un père macho et de trois sœurs, va se lier d’amitié avec Annick, meilleure élève de sa classe. Alain Laubrac (Gaspard Meier-Chaurand), de l’Assistance Publique va aider Michèle après les cours et Jean-Pierre va prendre Simone sous son aile.
Une série 100% féministe
Mais l’agitation hormonale n’est pas à constater que chez les élèves. Chez les professeurs aussi. Paul est ainsi troublé par une nouvelle professeur d’anglais très séduisante, Camille Couret (Nina Meurisse). Et, là encore, la situation de presque divorcée de cette dernière et le regard méprisant que Barbe Bleue porte sur elle renvoient brutalement vers ces situations désagréables que la société a connu par le passé.
Car l’originalité de Mixte tient aussi au fait qu’elle ne traite pas seulement de la mixité de genre. Elle aborde aussi par touches subtiles les difficultés de mixité de classe sociale. Notamment par le biais du jeune orphelin Alain dont l’ambition est dénigrée par un prof. Ou du mépris qu’un professeur agrégé plus âgé exprime envers la jeune professeure non-titulaire moins diplômée.
Enfin, Mixte évoque habilement les conflits de génération ou la complémentarité des contraires qui s’attirent. Tout en abordant judicieusement des sujets tabous des années 60, comme l’homosexualité ou le plaisir féminin. Les personnages sont presque tous attachants dans leur résistance comme dans leur adaptabilité. Car leurs auteurs ont soigneusement évité de les définir par de simples clichés.
Amazon Prime Video ne s'est donc pas trompé en choisissant de produire Mixte. La série se révèle une bonne surprise sur la tolérance, la découverte sans a priori de l’autre et de sa propre sexualité. Au même titre que La Bonne épouse ou les séries Speakerine et Au service de la France, Mixte aborde l'évolution de la société française sous l'angle de l'humour. Nul doute que la série permettra aux plus jeunes de découvrir cette époque qu’ils ne soupçonnent pas. Et aux plus anciens et anciennes de s’en remémorer les meilleurs moments et le chemin parcouru depuis.
Mixte créée par Marie Roussin, diffusée sur Amazon Prime Video le 14 juin 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.