CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, le jeune Malik Oussekine meurt sous les coups de policiers. 35 ans plus tard, la série "Oussekine" revient sur l'affaire en se consacrant avant tout à l'impact sur ses proches, sans pour autant éluder les retombées médiatiques, politiques et sociétales.
Oussekine : une nuit tragique de décembre 1986
Le premier épisode d'Oussekine débute le soir du 5 décembre 1986. Alors que les étudiants manifestent contre la loi Devaquet dans les rues de Paris, Malik Oussekine (Sayyid El Alami) n'est pas dans une ambiance contestataire. Le jeune homme se réjouit de se rendre à un événement particulièrement important pour lui : un concert donné par Nina Simone à Saint-Germain-des-Prés.
À son retour, il se retrouve pris dans les heurts et se met à courir en suivant le mouvement général. Des policiers voltigeurs le prennent en chasse à moto. Ils réussissent à entrer dans le hall d'immeuble où Malik s'est réfugié et le battent à mort. Le créateur et réalisateur Antoine Chevrollier fait le choix de dévoiler son décès au fil des épisodes, qui naviguent dans le temps. À chaque fois que le programme revient à cette soirée, la gorge du spectateur se noue, même s'il connaît l'issue tragique des faits.
Une narration au service de l'émotion
Si l'émotion fonctionne toujours, c'est parce que ces passages viennent appuyer des séquences qui soulignent l'injustice et surtout la tristesse de cette disparition. Oussekine alterne entre plusieurs époques et plusieurs sphères. Durant les scènes en 1986, la série s'attarde notamment sur les efforts mis en œuvre par les autorités et le ministre délégué à la Sécurité Robert Pandraud (Olivier Gourmet) pour tenter de prouver que la mort de Malik n'est pas due à une bavure policière. Mais elle se penche avant tout sur les réactions de la famille de Malik.
Dès le premier épisode, la manière dont sa grande soeur Sarah (Mouna Soualem) et son grand frère Ben Amar (Malek Lamraoui) cherchent à préserver leur mère Aicha (Hiam Abbass) chamboule le spectateur. Antoine Chevrollier réussit ensuite à expliciter les raisons de leurs agissements en fouillant leur passé, leur place respective au sein de la famille, le poids de la mort de leur père Miloud (Slimane Dazi) ou encore l'attachement profond de Malik au patrimoine culturel français. Il lie ainsi l'intime à des thématiques politiques.
Dans l'intimité d'une famille
Oussekine s'impose comme un portrait précis de ces individus, qui témoigne de leur pudeur et de leur dignité en évitant à la fois le misérabilisme et la charge vindicative. La série n'a pas besoin de marteler son propos pour que la gravité des faits dont Malik a été victime ressorte et pour que le spectateur puisse les lier à d'autres événements survenus ces 35 dernières années. Si les larmes montent, c'est avant tout grâce à des plans solaires de proches unis, que ce soit par la mort ou la vie, mais aussi grâce à des choix musicaux ou narratifs, à l'image de transitions toujours pertinentes entre les époques et les épisodes.
La série explore le sentiment de vide laissé par le deuil à travers une mise en scène insistante mais en aucun cas racoleuse. Les mains du père laissent par exemple place à celles du fils endeuillé. La mère seule se remémore un instant passé avec son enfant disparu en préparant un plat qu'il appréciait. Les effusions d'émotions passent par ce type d'idées de réalisation, qui viennent sublimer des personnages dans l'introspection.
Une fin terrassante
S'il n'élude pas le procès, retranscrit dans un ultime épisode passionnant, qu'il se penche aussi sur des personnes concernées par l'affaire comme l'avocat Georges Kiejman (Kad Merad) ou le policier Jissé Garcia (Matthieu Lucci), Oussekine se veut donc comme la présentation de visages derrière un nom. Des visages marqués par le temps qui se révèlent dans une conclusion bouleversante. L'apparition à l'écran de Sarah, Ben Amar et Mohamed Oussekine vaut tellement plus que les habituels cartons explicatifs qui viennent clore de nombreuses productions biographiques.
À l'image du reste de la série, ces derniers plans évitent la morale et la leçon d'histoire. Ils rappellent simplement qu'après un décès, il faut se battre pour continuer à vivre, surtout dans de telles circonstances et face à une telle injustice. Et prouvent que l'apaisement est possible, y compris dans le combat.
Oussekine d'Antoine Chevrollier, sur Disney+ dès le 11 mai 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.