CRITIQUE / AVIS SÉRIE - "OVNI(s)" est une série jubilatoire, qui mêle réalité et fiction avec beaucoup d’intelligence et d’humour. Avec Melvil Poupaud, Geraldine Pailhas et Michel Vuillermoz.
Les pieds sur terre mais la tête dans les étoiles
OVNI(s), série créée par Clémence Dargent et Martin Douaire et réalisée par Antony Cordier, est une véritable réussite, à tous points de vue. D’abord, grâce au contexte de cette comédie savoureuse, qui (re)plonge avec bonheur le spectateur dans la fin des années 70, très inspirantes pour les scénaristes du moment (Mrs America , 3615 Monique). La reconstitution des décors, des vêtements et des attitudes spécifiques à la période est parfaite. Les multiples références et clins d’œil font merveille, dans les événements et les informations radiophoniques ou télévisuelles, comme dans les musiques. Des musiques électroniques, composées ou remixées par le compositeur Thylacine, qui font d'ailleurs écho à l’aspect métallique supposé des soucoupes volantes.
L’autre raison pour laquelle Ovni(s) est une série réjouissante, c’est son humour, sa fantaisie et son décalage assumé, qui rappellent ceux de la série Au Service de la France ou des deux opus de OSS 117. On rit beaucoup, non des personnages, mais à leurs côtés. Car les créateurs ont réussi à les rendre autant attachants que désopilants par leurs défauts et leurs certitudes sans cesse remises en question. Didier Mathure (Melvil Poupaud, excellent), ingénieur spatial confronté à l’explosion de sa fusée, se voit proposer par Bernard (Laurent Poitrenaux), directeur du CNES (Centre National d’Études Spatiales) de prendre la tête du GEPAN (Groupe d’Étude des Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés), qui a réellement existé.
Bernard lui a donné pour mission de fermer ce service, dont tout le monde au CNES blague à propos de son existence, tant son objectif parait à des années-lumière de la science revendiquée au sein de cette institution. Didier découvre les membres atypiques de son équipe: Marcel (Michel Vuillermoz), ancien des Renseignements Généraux, Véra (Daphné Patakia), secrétaire lunaire et Rémy (Quentin Dolmaire), geek avant l'heure. Didier s’évertue donc à classer les dossiers et à expliquer aux témoins que les phénomènes qu’ils ont cru voir ont forcément une explication scientifique. Bref, à démontrer qu’il n’existe pas de vie extra-terrestre et que le GEPAN est inutile.
Se préparer à être bousculé dans ses certitudes
Nul besoin de croire aux extra-terrestres ou d'être fan de science-fiction pour regarder la série car même si les 12 épisodes de 30 minutes évoquent des phénomènes paranormaux, c’est surtout le regard et les réactions des protagonistes face à ces phénomènes qui sont mis en valeur. OVNI(s) montre avec subtilité de quelle manière l’inexplicable entre petit à petit dans la vie de Didier, qui se retrouve alors pris en tenailles entre deux visions du monde. La rationnelle « les hypothèses les plus simples sont les meilleures » prônée par lui-même, Bernard et Elise (Géraldine Pailhas), son ex-femme avec laquelle il travaillait jusqu’alors, et la tolérante « on étudie toutes les hypothèses ».
Car mener les enquêtes sur ces phénomènes et rencontrer des témoins permettent à Didier d’ouvrir son champ des possibles, de faire preuve d’humilité et de découvrir sa part d’humanité. Le paradoxe très bien montré dans OVNI(s), c’est que cette étrange mission l’ancre dans la réalité de sa vie de famille. Il devint plus attentif à ses enfants Diane (Capucine Valmary) et Bastien (Alessandro Mancuso), à son ex-épouse et à ses propres désirs et ambitions.
La série offre aussi une réflexion subtile sur les balbutiements de l’évolution de la société de l’époque: le travail des femmes, l’âge de la majorité, le divorce ou l’écologie. Mais aussi sur le besoin de quête de sens des êtres humains, de croire en l’impossible et à une vie ailleurs. Didier crée aussi un lien particulier avec chacun des membres de son équipe, constituant la véritable force enthousiaste du GEPAN. L’intuition de Vera combinée au rationalisme de Didier, aux doutes complotistes de Marcel et aux compétences techniques de Rémy, va ainsi faire des étincelles.
Leur quête de la vérité, suspendue à des conditions de plus en plus bizarres, est haletante et la résolution des énigmes est à la hauteur de l’attente du spectateur. Un spectateur ravi de croiser pêle-mêle d’improbables flamands roses, des cartes postales truffées d’indices, des boussoles démagnétisées, un pin’s ou une grosse boule à facettes. Mais aussi une Commandante de la Sécurité Militaire (Nicole Garcia), un gourou (Jean-Charles Clichet) ou encore Spielberg lui-même. Grâce à de jolies trouvailles scénaristiques, une mise en scène originale et dynamique et une interprétation parfaite des acteurs, OVNI(s) se révèle donc un vrai petit bijou qui se déguste, plutôt deux fois qu’une.
OVNI(s) créée par Clémence Dargent et Martin Douaire, diffusée sur Canal+ le 11 janvier 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.