CRITIQUE SÉRIE - Que diriez-vous de rencontrer les pires policiers des États-Unis ? Voici la promesse de "Paradise Police", la nouvelle série animée pour adultes proposée par Netflix.
Le 17 août dernier, Netflix mettait en ligne la première saison de Désenchantée, la toute nouvelle série d'animation de Matt Groening, le papa des Simpson et de Futurama. Elle devait faire office d'événement estival mais c'est un sentiment mitigé qui s'empara de nous une fois l'heure venue de découvrir le résultat. L'humour finalement très gentil, l'irrévérence timide et l'écriture générale ont refroidi nos ardeurs à son propos. Quelques jours plus tard, le 31 août, une autre série d'animation débarqua sur la plateforme de streaming : Paradise Police. Si ses créateurs, Roger Black et Waco O’Guin, sont beaucoup moins connus que Groening, ceux qui ont été déçus par le manque d'inspiration de Désenchantée pourraient bien trouver leur bonheur du côté de ce nouveau show.
Pour les situer, Black et O'Guin ne sont pas vraiment des nouveaux venus. Très ancrés dans le monde de l'humour, ils sortent en 2012 une première création intitulée Brickleberry. Durant trois saisons, nous pouvions suivre un groupe de gardes forestiers dans leurs tâches quotidiennes. Grâce à un humour sans filtre et des personnages perchés, la série se fait doucement mais positivement remarquer. Pour leur seconde série animée, le duo revient avec les mêmes intentions, le même ton. Paradise Police reprend le principe de bande et s'intéresse cette fois à des policiers. En l'occurrence, il s'agit des gardiens de l'ordre de la ville fictive de Paradise. Une bourgade qui, malgré son nom, est très loin de donner envie d'y habiter. Sans réel fil conducteur narratif, si ce n'est les personnages réunis dans un commissariat, Paradise Police reprend les codes des séries policières comme Les Experts avec plusieurs cas à résoudre à mesure que les épisodes défilent. Une sorte de version très trash de Brooklyn Nine-Nine.
Impertinence à tous les étages
Si nous évoquions Désenchantée en préambule, ce n'est pas simplement parce qu'il s'agit de deux séries animées sorties sur Netflix dans un court laps de temps mais parce que les deux s'ouvrent sur une promesse identique : offrir une dose d'humour impertinente. Et croyez-nous, Paradise Police démontre très rapidement que rien ne nous sera épargnés. Avec l'ouverture de l'épisode inaugural, on comprend où nous sommes tombés. Le jeune Kevin, fils de Randall, le chef de la police, tire sans faire attention dans les testicules de son père en jouant avec son arme. Cet accident va faire divorcer ses parents et rendre le patriarche particulièrement aigri. Lorsqu'il arrive à ses 18 ans, Kevin veut suivre les traces de son paternel et se retrouve à son tour policier, dans le même commissariat. Il y découvre des collègues très particuliers comme Gina (une policière sexy très violente), Dusty (un agent obèse), Fitz (un agent noir souffrant de TSPT), Bullet (un chien accro aux drogues) et Hopson (un très vieil homme que l'on refuse d'envoyer à la retraite). Une sacrée équipe de bras cassés qui lutte avec les moyens du bord contre des criminels parfois tout aussi surprenants qu'eux.
Avec son format de moins de 30 minutes qui lui convient à merveille, la série débite à une vitesse folle les vannes ou les gags. Sans jamais se soucier de froisser son audience. Comme peut le faire un South Park, Paradise PD ne se refuse pas d'aller sur le terrain de la scatophilie, du sexe débridé, du gore, de l'outrance. Puisque le rythme et le sens du timing sont des données essentielles lorsqu'on prétend faire de l'humour, la série opte pour une solution radicale : un flot ininterrompu. Ainsi, c'est mathématique, plus on tire de cartouches et plus on a de chance d'en mettre dans le mille. Tout ne fonctionne pas tout le temps mais chaque épisode nous arrache plusieurs sourires francs. Si ce n'est plus. C'est tout ce qu'on l'on demandait à vrai dire. Un humour régressif, sans limite, inventif. Ce qui en fait à la fois sa plus grande force et parfois aussi sa faiblesse.
À la longue ce qui tourne autour des parties génitales ou du pipi/caca/vomi peut agacer par sa gratuité. Par contre, lorsque l'humour tranchant se met au service de thèmes modernes, la série en devient irrésistible. On pense, par exemple, à l'épisode 3 dans lequel Fitz, l'agent de couleur, se retrouve au cœur d'une polémique raciste après s'être tiré lui-même dessus en voyant son reflet dans un miroir. C'est pour ces moments, où le mouvement Black Lives Matter, les violences policières et les critiques envers les médias tutoient une risible affaire de homards étrangement bon marché que la série prouve qu'elle n'est pas là juste pour jouer les grossiers bouffons de service.
Du navrant à l'hilarant
De minute en minute, c'est un refus général de proposer quelque chose de plat qui anime Paradise Police. Chaque personnage est fait pour être remarqué, qu'il apparaisse le temps d'une scène ou qu'il soit récurent. Rien n'est banal, jamais le rythme ne tombe. Une scène ne peut jamais se finir normalement, il faut toujours qu'un élément vienne la ponctuer de façon à la pimenter. On ressort éreinté des dix épisodes constituant cette première saison. Impossible objectivement de conseiller à tout le monde de se lancer dedans à cause de son esprit très débridé. Mais pour peu que vous n'ayez pas peur d'assister à une orgie entre chiens ou à des relations sexuelles avec une voiture (oui, oui), vous pourrez trouver en Paradise Police votre bonheur et une dose intensive d'humour trash. Dans le domaine de l'animation pour adultes, rares sont celles qui passent en une fraction de seconde du navrant à l'hilarant avec autant de brio.
Police PD créée par Roger Black et Waco O’Guin, disponible sur Netflix depuis le 31 août 2018. Ci-dessus la bande-annonce.