Ratched : le préquel sur l'infirmière sadique déçoit

Ratched : le préquel sur l'infirmière sadique déçoit

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Ryan Murphy s'intéresse à l'infirmière sadique de "Vol au-dessus d'un nid de coucou" dans son préquel "Ratched". Une série portée par une brillante Sarah Paulson qui se perd dans ce qu'elle veut raconter et qui n'a pas un intérêt profond.

Ryan Murphy et Netflix, une entente productive

Le deal signé entre l'hyperactif Ryan Murphy et Netflix a déjà débouché sur les séries The Politician et HollywoodLe papa d'American Horror Story et Glee nous délivre maintenant RatchedUn programme qui tient son titre du nom de son personnage principal, l'infirmière Mildred Ratched. Une vieille connaissance que l'on a pu voir dans le livre Vol au-dessus d'un nid de coucou de Ken Kesey puis dans le chef-d'oeuvre éponyme de Milos Forman. La performance de Louise Fletcher a tellement été remarquée qu'elle a décroché un BAFTA, un Oscar et un Golden Globe !

Pour brièvement restituer le personnage, elle était une infirmière d'un hôpital psychiatrique qui voulait du mal aux patients et leur faisait subir des sévices. La série se positionne comme un préquel. Ryan Murphy pioche dans son carnet de connaissances et invite sa fidèle collaboratrice Sarah Paulson à incarner cette figure maléfique complexe. Le scénario s'installe dans les années 40 et débute avec l'arrivée de Ratched dans l'hôpital. Un établissement qui n'a pas besoin d'elle mais, avec sa perfidie, elle va trouver le moyen de décrocher le poste qu'elle convoite. Son influence néfaste va se faire ressentir sur les patients et ses collègues de travail.

Ratched : le préquel sur l'infirmière sadique déçoit

Jamais simple d'entrer dans une histoire en sachant que l'on se place du côté du méchant. Le cinéma et les séries font parfois le choix de nous mettre en phase avec un personnage qui n'a pas le bon rôle. En l’occurrence, Ratched le fait avec une tortionnaire manipulatrice et visiblement très dérangée mentalement. En en faisant le centre d'intérêt, la série ne cherche pas à susciter notre empathie ni à rendre l'expérience agréable. Non pas qu'une histoire doive brosser dans le sens du poil pour nous accrocher, mais on se rend vite compte ici que le petit jeu de massacre auquel se livre l'infirmière ne va pas donner beaucoup de points d'accroche pour entrer émotionnellement dans les événements. Sarah Paulson n'a pas grand chose à se reprocher. Elle habite le personnage en sachant comment interpréter la folie qui se niche derrière son calme apparent. Certaines phases de jeu volontairement intenses démontrent que Ryan Murphy ne s'est pas trompé en la prenant.

Un préquel, pour quoi faire ?

On croit à cette incarnation du Mal mais les pistes sont volontairement troublées par la narration pour qu'on n'ait pas d'avis tranché sur ce qui justifierait un tel comportement. C'est le problème principal de Ratched, de ne pas savoir quoi faire de son postulat de préquel. Le personnage entre en action en étant déjà submergé par la folie. Il ira encore plus loin par la suite mais il aurait peut-être été plus judicieux de montrer le basculement en allant chercher davantage profondément dans le passé de Ratched. La promesse d'origin story ne trouve aucune concrétisation, l'intérêt se délite. Que ce soit Mildred Ratched ou une autre, le téléspectateur ne verrait pas la différence. La série fait ce choix de ne pas nous la faire aimer et perd son pari, en plus d'échouer à être un préquel légitime.

Ratched : le préquel sur l'infirmière sadique déçoit

Comme dans le film de Milos Forman, c'est chez les victimes, les malades ou les personnages secondaires que l'on trouve un peu de lumière. Ils n'ont aucune échappatoire face à cette femme qui répand la mort là où elle passe. Leur vulnérabilité et leurs failles, c'est ce qui les rend attachants quand ils apparaissent face à ce monstre de sang-froid. On trouve chez eux un peu de refuge émotionnel, une envie de s'impliquer - même sur un court laps de temps - dans la série. Même s'ils terminent avec un tournevis dans le crâne ou morts, on décèle des interstices pour avoir de leur compassion à leur égard. Comme dans cette scène où l'infirmière douche les espoirs d'un patient qui pense pouvoir retrouver la liberté.

Un show fidèle à Ryan Murphy

Vous aurez compris que Ratched est une série qui ne répond pas à nos attentes. Le style de Ryan Murphy est, lui, assez visible. Sur la forme, bien entendu, avec cette imagerie rétro très colorée qui magnifie les années 40. On voit le travail sur les décors, les costumes, la direction artistique. Une série terne sans extravagance n'est pas dans la nature de Murphy. Il trouve aussi, dans le fond, de l'espace pour parler des thèmes qu'il affectionne. L'homosexualité remise dans le contexte de l'époque, la lutte des gens différents dans un monde qui ne les accepte pas, le sens de la provocation ou encore son envie de faire bouger les mentalités. Si elle n'attire pas notre empathie, Mildred Ratched est une personnalité murphyienne à n'en pas douter, inflexible aux pensées dominantes de son temps - ici, le patriarcat et la pression sociale.

 

Ratched créée par Ryan Murphy et Evan Romansky, sur Netflix à partir du 18 septembre 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

En dépit d'une excellente Sarah Paulson et de motifs chers à Ryan Murphy, Ratched se manque en tant que préquel.

Note spectateur : 3 (9 notes)