CRITIQUE SÉRIE - Netflix continue son exploration de faits divers sordides avec le cas Ted Bundy, l'un des pires criminels que les USA ont pu connaître dans leur histoire. Et c'est lui, en personne, qui se raconte dans ce docu-série. Ou du moins, c'est ce que l'on veut nous faire croire.
Ted Bundy a la cote en cette année 2019. Exécuté le 24 janvier 1986, ce tueur en série continue de nous fasciner aujourd’hui. Un homme en particulier semble obsédé par cette figure du Mal difficile à cerner. Joe Berlinger est attendu prochainement au cinéma avec le film Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile, qu’il réalise. Projet pour lequel le beau gosse Zac Efron a accepté de se glisser dans la peau du criminel. Mais ce n’est pas tout pour Berlinger qui sort en premier lieu un docu-série proposé par Netflix sur le même sujet.
La plate-forme de SVOD est devenue une formidable terre d’accueil pour ces objets télévisuels qui s’attardent sur des crimes réels, dont Making a Murderer est l'acclamé chef de file. L’idée de départ, ici, attise la curiosité. Le titre se fait une joie de la mettre en évidence. Ted Bundy : Autoportrait d’un tueur. Ce mot, « autoportrait » condense à lui-seul pourquoi on a eu envie de se jeter sur ce documentaire divisé en quatre parties avoisinant une heure chacune.
Pour y parvenir, il fallait se pencher sur le travail de Stephen Michaud et Hugh Aynesworth, des journalistes qui ont eu l’opportunité de rencontrer Ted Bundy en prison et d’enregistrer de nombreux entretiens. Cet autoportrait d'un tueur réunit images et sons d’époque pour les mélanger avec des interviews récentes de personnes qui ont été liées de près ou de loin au tueur lorsqu’il était en activité. Les journalistes reviennent sur leurs entrevues, pendant qu’inspecteurs, avocats, un psychologue ou encore une femme agressée apportent leur pierre à l’édifice. S’ils ont forcément des choses intéressantes à dire, celui que l’on veut absolument entendre est le principal concerné. En acceptant de parler de manière officielle à des journalistes, afin que son dossier soit par la même occasion réexaminé, il voyait là l’opportunité de raconter son histoire du mieux qui le pouvait en écrivant sa propre légende. Car le bonhomme, on va s'en rendre compte, a une haute opinion de lui.
D'étudiant en droit à tueur en série
L’une de ses premières apparitions vocales dans l’introduction laisse augurer le meilleur pour la suite. Comment celui qui se décrit d'entrée comme une « personne normale » a-t-il pu tuer des femmes aux quatre coins des USA ? Ted Bundy, doté d’une belle gueule et d’un charisme remarquable, n’a pas la tête de l'emploi. C’est probablement ce qui le rend aussi effrayant. À une époque où l’Amérique est terrorisée par les méfaits du clan Manson, par l’Étrangleur des collines ou par John Gacy, le profil de Bundy dénote - c’est ce que le docu-série montre très bien dans ses premières minutes. Beaucoup de choses ont déjà été écrites ou dites sur son cas. C’est pourquoi la relation privilégiée avec ces journalistes peut livrer de nouveaux éléments afin de comprendre les mécanismes psychologiques derrière les actes immondes. Une sorte de version ancrée à l'extrême dans le réel de MINDHUNTER, la série criminelle déjà proposée sur Netflix.
Un autoportrait bien maigre
Sauf que Stephan Michaud ne le cache pas, les conversations sont frustrantes. Ted Bundy ne respecte pas réellement le contrat et élude les questions épineuses. Dès lors, on comprend que la promesse initiale sera dure à tenir. Malgré le fait que le journaliste trouve le moyen de le faire parler plus en profondeur en lui proposant d’employer la troisième personne, les confidences - si on peut les appeler ainsi - vont décevoir ceux qui auraient un bon niveau de connaissance à son sujet. Outre le ton de sa voix parfois déstabilisante, ce qu’il dit n’apporte pas un angle relativement inédit. Il y a, parfois, quelques éléments à isoler pour cerner mieux son comportement mais la plus-value découlant, dans l'idée, l’entrevue n’est pas à la hauteur des attentes. Suivant sa trajectoire de manière chronologique, cet objet intéressera forcément ceux qui sont renseignés succinctement sur la vie de Bundy. La séquence dans laquelle Carol DaRonch raconte comment elle a réussi, durant sa jeunesse, à lui échapper est un des moments forts qui les marquera. Suivi par ses deux évasions et quelques passages importants.
De ce côté, rien à redire sur l’exécution, qui prend le temps de narrer point par point les méfaits du tueur. Mais la promesse du titre, dans tout ça ? On se sent rapidement trahi devant ce que propose le documentaire tant, finalement, les mots de Bundy ne deviennent qu’un accessoire sans relief. Dans la dernière partie en particulier, le procédé n’a plus aucun impact sur la narration et s'utilise avec une parcimonie proche du reniement. Les intervenants prennent toute la place, pendant que des photos ou des vidéos terminent d'inscrire le sourire bright de Bundy dans nos esprits. Le portrait est complet, satisfaisant et bien mené. Pour l'autoportrait, on repassera, à notre plus grand désarroi. Avec son film sur le même sujet, Joe Berlinger pourrait mieux s'en sortir en posant un vrai point de vue via sa mise en scène et proposer un traitement plus personnalisé. Quitte à prendre quelques libertés avec la réalité ou à s'autoriser des figures de style plus poussées pour nous faire voir un Ted Bundy surprenant.
Ted Bundy : Autoportrait d'un tueur créée par Joe Berlinger, sur Netflix à partir du 24 janvier 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.