CRITIQUE / AVIS SÉRIE: Sortie fin 2018, The Bisexual se révèle être remarquable et un véritable exemple du genre. Fraîche et intelligente, elle met en lumière une sexualité paradoxalement invisibilisée.
Ces dernières années, les séries télévisées fourmillent de personnages aux sexualités diverses. Si l'homosexualité, qu'elle soit vécue au masculin ou au féminin, est particulièrement, et fort heureusement, présente sur le petit écran, la bisexualité est, quant à elle, assez invisible. Témoin d'une époque fluide, que ce soit en terme de genres ou de sexes, elle est pourtant encore tabou sur les petits écrans. Pas assez hétérosexuels, pas assez homosexuels, les personnages bisexuels semblent reléguer à des rôles d'indécis. C'est donc dans un contexte plein de contradictions que The Bisexual a fait son entrée en fin d'année dernière. Diffusée outre-manche sur Channel 4 et sur Canal + en France (désormais disponible sur myCANAL), l'oeuvre créée par Desiree Akhavan n'est pas passée inaperçue.
Composée de six épisodes, elle se déguste et se dévore en toute intimité et pour cause, sa showrunneuse Desiree Akhavan a de la suite dans ses sacrées idées, elle qui a fait ses armes sur la web-série The Slope ou dernièrement avec son deuxième long-métrage remarqué et récompensé lors du Sundance Festival 2018, Come as you are. Ce dernier mettait en scène Chloë Grace Moretz, héroïne lesbienne grandissant dans les années 90 qui doit suivre, de force, une thérapie de conversion. Quant à son premier long-métrage, Appropriate Behavior, sorti en salles en 2014, il abordait lui aussi, à travers le personnage de Shirin (qu'elle incarnait également) la bisexualité. C'est donc, un peu naturellement, que la réalisatrice aux multiples casquettes propose cette nouvelle création originale dans laquelle elle incarne Leila, une trentenaire bisexuelle évoluant dans le Londres branché, dans lequel elle va devoir surmonter les préjugés liés à sa sexualité.
Une pincée d'engagements et une bonne dose d'humour: la recette parfaite
Bien qu'elle soit irano-américaine, Desiree Akhavan propose dans son écriture une approche so british de l'humour. Un humour particulièrement fin et pince-sans-rire, qui aborde sans complexe les sujets les plus tabous à l'instar de la récente Fleabag, scénarisée et incarnée par Phoebe Waller-Bridge. C'est grâce à ce ton particulièrement bien dosé que la scénariste, réalisatrice et actrice captive. Elle n'hésite pas, à coup de punchlines, à recadrer les personnages de la série (et par extension les spectateurs moins avertis) ou à donner des rondeurs à ses personnages en abordant des sujets familiaux plus complexes comme sa relation difficile avec sa soeur.
Mais sa plus belle réussite, réside, dans son approche de la bisexualité tant elle incarne la pluralité de cette sexualité incomprise et des désirs multiples qu'elle suscite. Ainsi, elle n'hésite pas à explorer tous les possibles, avec une fluidité remarquable. Et c'est finalement à travers cette fluidité qu'elle peut, sans grandes difficultés parler de tout, avec brillance et intelligence. En témoigne une des parties du premier épisode dans lequel les personnages ont une discussion autour de La Vie d'Adèle (acclamé par la presse écrite à sa sortie mais très souvent remis en cause pour sa vision très hétérocentrée des relations lesbiennes).
La complexité au féminin... Mais aussi au masculin
À l'instar de Girls, la série de et avec Lena Dunham, dans laquelle Akhavan a joué le temps d'une saison, la série arrive à proposer des scènes d'humour liées à des situations cocasses et à jouer la carte de l'émotion tout en justesse. Toutefois, là où Girls a ses limites, notamment en termes d'inclusivité, The Bisexual, en s'inscrivant d'avantage dans l'époque dans laquelle elle est produite, est, sur ce point, d'avantage remarquable. Cette inclusivité, que l'on retrouve à la fois au sein des sexualités mais aussi des personnages qui ne sont pas tous issus des mêmes communautés doit beaucoup à la réussite de la série.
Réalisée et co-écrite par des femmes (Desiree Akhavan est, à l'écriture, accompagnée par sa fidèle acolyte Cecilia Frugiuele) la série se fait remarquer par ses personnages féminins complexes et bien écrits. Bien loin des stéréotypes de genre, la showrunneuse donne de la valeur à ses personnages indépendants, libres et fiers. Les personnages masculins, ne sont pas en reste et eux aussi sortent des cases. C'est le cas de Gabe, le colocataire un peu paumé incarné par Brian Gleeson. D'abord présenté comme le trentenaire lambda à la situation décriée assez classique (professeur, il sort avec l'une de ses étudiantes), il se révèle à travers des scènes déconstruisants toute masculinité toxique.
The Bisexual de Desiree Akhavan, disponible sur myCANAL. Ci-dessus la bande-annonce.