The End Of The F***ing World est une réussite totale, tant sur le plan scénaristique qu'esthétique. Cette série pleine d'humour noir dresse un portrait acerbe de la société actuelle tout en gardant une étincelle de magie qui la rend irrésistible.
C'est au moment de sa diffusion à l'international sur Netflix, le 5 janvier dernier, que The End of the F***ing World, série produite et diffusée au Royaume-Uni par Channel 4, a été révélée. Il n'aura donc pas fallu longtemps pour que de nombreux fans se lancent dans une intense session de "binge-watching" de cette série particulièrement addictive.
En effet, The End of the F***ing World est à la hauteur de sa bande-annonce survoltée diffusée par Netflix il y a plusieurs mois. Malgré un scénario très simple, basé sur la fugue de deux adolescents suivi d'un road trip à travers la Grande-Bretagne, la série parvient à apporter un vent de fraîcheur remarquable à travers une esthétique impeccable et un scénario parfaitement maîtrisé. Le mérite revient également au jeune couple d'acteurs principaux, Alex Lawther et Jessica Barden, qui incarnent avec beaucoup de talent ces deux adolescents perdus dans un monde qui les rejette.
Un conte moderne sur le passage à l'âge adulte
Adaptée du roman graphique éponyme de Charles S. Forsman par Charlie Covell, The End of the F***ing World narre les aventures d'un couple d'adolescents marginaux. James, 17 ans, se décrit comme un psychopathe prenant plaisir à tuer des animaux et souhaite commettre son premier meurtre sur une personne humaine. Il rencontre alors Alyssa, une adolescente rebelle, en opposition frontale à sa famille qui la délaisse, et voit en elle une première victime idéale.
Lorsque celle-ci lui propose de fuguer à bord de la voiture de son père, James y voit une occasion d'échapper à un quotidien maussade dont il s'est profondément lassé. Il embarque donc avec Alyssa dans un road trip mouvementé à travers l'Angleterre au cours duquel une relation naîtra entre les deux protagonistes. Mais tout n'est pas rose sur le chemin de l'amour...
L'originalité scénaristique de cette comédie à l'humour noir mordant repose sur une inversion absurde entre un monde peuplé d'adultes irresponsables et deux mineurs dont la révolte va de pair avec un questionnement permanent et une grande humanité. Paradoxalement, c'est ce monde hostile et immature qui finira par traquer les deux adolescents en les assimilant à des criminels dangereux.
La mise en scène très bien ficelée permet de suivre en parallèle le périple d'Alyssa et James, marqué par plusieurs effractions à la loi, et l'enquête policière qu'ils suscitent. Mais cette dernière brosse un portrait des deux héros très loin de la réalité, comme pour signifier l'énorme fossé qui s'est creusé entre les deux mondes. C'est ce décalage à la fois comique et tragique qui permet à la série de brosser un portrait au vitriol du monde moderne, sans jamais tomber dans un cynisme désabusé.
Une esthétique impeccable résolument vintage
The End of the F***ing World est également une grande réussite sur le plan formel. Les références vintages sont ainsi nombreuses : on les retrouve dans l'architecture moderniste des maisons (typique des années 1950 et 1960), les nombreux cafés et restaurants écumés par les protagonistes, ou encore la vieille Mercedes du père de James.
La photographie de la série revêt également des teintes sépia, qui viennent renforcer la grisaille des paysages et les couleurs chaudes des intérieurs. Ce choix esthétique confère à l'image la chaleur des anciennes caméras analogiques tout en gardant le niveau de détail de la technologie moderne. Enfin, les nombreux flashbacks des personnages sont filmé en format "carré" : il s'agit d'un clin d'œil à l'esthétique des caméras super 8 qui vient renforcer la dimension vintage de la série.
Les aventures d'Alyssa et James sont également rythmées par une bande-son particulièrement réussie, qui reprend de nombreux standards country, rockabilly et R'n'B des années 1950 et 1960, ainsi que des classiques du rock britannique. On saluera également le choix de musiques extrêmement douces lors des scènes de violence graphique, un procédé irrésistible déjà utilisé par un cinéaste comme Martin Scorsese dans les Affranchis par exemple.
Seul bémol, nous déplorons toutefois la courte durée de cette saison, constituée de 8 épisodes d'une vingtaine de minutes chacun. En outre, la dernière scène du dernier épisode ne semble pas permettre un renouvellement de la série, ce qui a chagriné de nombreux fans. Toutefois, le créateur de la série Jonathan Entwistle a laissé entendre il y a quelques jours qu'une deuxième saison était peut-être envisageable. Nous en aurons bientôt le cœur net !
The End Of The F***ing World créé par Charlie Covell à partir du 5 janvier 2018 sur Netflix. Ci-dessus la bande-annonce.