The Loudest Voice : Russel Crowe devient le sulfureux Roger Ailes

The Loudest Voice : Russel Crowe devient le sulfureux Roger Ailes

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Russel Crowe se métamorphose et devient dans "The Loudest Voice" l'imposant Roger Ailes, figure controversée de Fox News accusée de harcèlement sexuel. La série de Showtime revient sur son ascension dans les médias et sa chute.

The Loudest Voice commence par la fin. Dans les premières secondes, Roger Ailes, au sol, vit ses dernières minutes, en 2007. Le monstre est à terre, vaincu. La série remontera ensuite dans le temps pour dérouler le portrait d'un homme autoritaire, important dans le développement de Fox News, à la part sombre terrifiante. Pour peu que l'on soit renseigné avant de lancer The Loudest Voice, nous savons à qui nous aurons à faire. Ailes a défrayé plusieurs fois la chronique, comme la chaîne dont il était le président.

Sans entrer dans les détails, elle a joué un rôle important pour promouvoir les idées du camp républicain. Cette ligne éditoriale n'est pas très surprenante lorsqu'on sait que Roger Ailes a travaillé comme conseiller en image auprès de gens comme Reagan ou le père Bush. Ce contexte donne parfois lieu à un traitement remanié de l'information. Roger Ailes se traîne aussi de sacrées casseroles, accusé de harcèlement sexuel sur ses employées et de multiples pressions psychologiques. Dans cette ère post-Weinstein, examiner le personnage controversé qu'il était n'est effectivement pas une mauvaise idée.

Si nous l'avons décrit comme un "monstre" juste ci-dessus, ce n'est pas forcément cette impression qui prédomine lorsque dans l'une des premières scènes, Ailes fait ses adieux à son équipe de CNBC, à la veille de rejoindre Fox News. L'homme apparaît ému, ses collaborateurs lui rendent la pareille et semblent saluer son travail. Un peu plus tard, lorsque la caméra captera au ras du sol son entrée dans les nouveaux locaux qu'il dirigera, cette impression sera différente. Ses pas légèrement freinés par son poids et cette manière dont ses pieds entrent en contact avec le par terre font de lui une sorte de méchant gargantuesque, pris d'un appétit dévorant. Comme si le cadre était dans l'incapacité d'aller au-delà de cette partie de son corps, laissant supposer que le hors-champs - physique et moral - est en dehors de la normale. Ce qui est le cas. Ailes était un gabarit particulier autant qu'un brillant visionnaire. Son rapport avec les images qu'il diffusait était puissant, il savait où il voulait mener Fox News, qu'importe si des victimes restaient sur le carreau en chemin - on pense à cette réunion de crise où un de ses employés se fait virer devant tout le monde.

Russel Crowe est totalement métamorphosé sous un tas d'artifices, à tel point qu'on en oublie qui est l'acteur dessous pour ne voir plus qu'Ailes. Il est souvent très difficile de définir comment une performance dans ce genre est réussie. Parce que le too much n'est jamais très loin et le grimage peut transformer l'interprète en une sorte de bête de foire prête à tout pour décrocher un prix lors d'une cérémonie reconnue. Russel Crowe ne fait heureusement pas parti de cette catégorie dans The Loudest Voice.

La série donne à voir le petit manège exercé par Ailes pour avoir ce qu'il souhaite et ses pressions sur la gent féminine. Débutant dans les 90's, The Loudest Voice part ensuite dans les années 2000 puis on image plus loin (nous n'avons pu voir que les trois premiers épisodes en avant-première). Nous y voyons donc les agissements d'un prédateur sexuel qui pourrait tout aussi être Weinstein - les hommes se rejoignent sur de nombreux points. Maintenant que la parole s'est libérée, une telle série a sa place pour faire un travail de mémoire.

La reconstitution respire la précision et ne laisse pas de place à la fantaisie, en dehors de quelques tentatives musicales ou graphiques venant sur-textualiser des faits déjà très édifiants. La série ne se démarque alors pas par sa grande originalité - les scandales dépeints sont connus - mais par son approche sérieuse. On retrouve des similitudes avec le travail sur Spotlight de Tom McCarthy, ici showrunner. Assez classique, il manque peut-être à The Loudest Voice quelques pas de côté pour être une proposition audacieuse. On repense alors à une phrase prononcée par Ailes : "les gens ne veulent pas être informés, ils veulent se sentir informés". La série ne ment pas sur la marchandise, comme le président de Fox News a pu le faire pour une histoire de sensationnalisme, mais apparaît comme une oeuvre dévouée à une recherche de vérité. "Il n'y a rien de plus puissant que la télévision" clame le président de Fox News. Ironie du sort, ce vecteur est privilégié pour mettre en lumière ses agissements les plus abominables.

 

The Loudest Voice créée par Tom McCarthy et Gabriel Sherman sur Canal+ Séries et MyCanal à partir du 2 juillet 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Russel Crowe brille dans cette série réalisée avec sérieux, sur un sujet nécessaire, qui résonne avec notre actualité et le récent scandale Weinstein.

Note spectateur : Sois le premier