CRITIQUE / AVIS SÉRIE - En voilà une de saison "inespérée" ! Mais elle est bien là, toujours aussi resplendissante. Après "The Young Pope", place à "The New Pope", suite (et fin ?) de l'œuvre télévisuelle provocatrice et subversive signée Paolo Sorrentino. Tout sauf un blasphème !
Dans la lignée des auteurs ovnis, qu'on se l'assure, l'Italien Paolo Sorrentino fait bel et bien partie du peloton de tête. Lorsqu'il ne s'essaie pas à un cinéma éblouissant (La Grande Bellezza, Youth), lorsqu'il ne dézingue pas Silvio Berlusconi (le tordant Silvio et les autres), Sorrentino s'attaque à une autre personnalité qui polarise, de générations en générations, des millions d'adeptes, de fans, d'admirateurs... Le pape, bien sûr ! Environ quatre ans après une première saison aux allures de coup d'essai risqué, The Young Pope se mue en The New Pope et s'offre une nouvelle salve d'épisodes, toujours chapeautés par HBO - qui décidément, voue une confiance sans faille au cinéaste, vu le budget faramineux débloqué pour le show et le point d'honneur à reconstituer les nombreux décors somptueux du Saint-Siège.
Malgré le temps passé entre les deux saisons, la série reprend exactement là où on l'avait laissée : le jeune pape Lenny Belardo (Pie XIII), campé avec classe par Jude Law, se retrouve victime d'une terrible machination et tombe dans le coma. Le Siège est donc forcé de trouver un remplaçant, qu'il voit en Sir John Brannox (John Malkovich, l'élégance incarnée), ainsi adoubé en Jean-Paul III, sous le regard diabolique du Secrétaire d'Etat Voiello (Silvio Orlando). Brannox doit se présenter au conclave et oublier un passé familial trouble, qui le poursuivra...
C'est ainsi que débute la seconde saison d'une série qui n'en a jamais eu l'air : composée comme un film divisé en épisodes (les réalisateurs adorent ça), The New Pope en est finalement un des plus beaux exemples. Toujours baigné dans une esthétique ultra propre et une mise en scène chirurgicale (on a rarement vu des plans aussi symétriques), le show, en plus d'être drôle et relevé, développe toute l'installation nécessaire de la première saison et l'étire à outrance. Si bien que ce nouvel opus se révèle d'autant plus divertissant, sulfureux, irrévérencieux et excitant.
Malkovich tout puissant
Toujours porté par un casting étonnant (Cécile de France, Ludivine Sagnier, Maurizio Lombardi), The New Pope laisse place à ses nouvelles recrues. Le grand - que dire, l'immense ! - et trop rare John Malkovich prend un malin plaisir à prendre la tête du Vatican en pape certes un peu moins désuet que son prédécesseur, mais toujours aussi perché. Sa rencontre avec Marilyn Manson dans l'épisode 4, par exemple, montre bien que nous avons là un des Saints les plus punk jamais filmé.
La technique de Sorrentino est sans faille ici. Outre la forme, maîtrisée jusqu'au moindre travelling ascendant, The New Pope déroule son lot d'images sous fond musical techno-pop sucré au possible. Le générique, par exemple, annonce franchement les couleurs. Un dortoir de nonnes qui se transforme en boîte de nuit ? Pas de souci. L'homosexualité au Vatican ? Ça existe. Le désir aussi (grandement incarné par le personnage de Cécile de France, Sofia, directrice marketing du Siège).
En plus d'innover en changeant ses décors d'épisodes en épisodes, la série respire la liberté artistique à plein nez. Sorrentino est un homme de goût passionné d'art et, ici, il s'en donne à cœur joie, filmant parfois les corps et les formes comme des statues, composant ses plans comme de véritables tableaux. Mais rien de tout cela n'est ici par hasard, le cinéaste ne s'essaie pas au brûlot chrétien, il préfère romancer la religion, jurer par l'esthétisme à son paroxysme. Et c'est lorsque la légende Sharon Stone apparaît, au cours de l'épisode 5 que la série prend à nouveau tout son sens - elle ranime les mythes, les innove, sans les déconstruire. Amen.
The New Pope créée par Paolo Sorrentino, disponible sur MyCanal à partir du 13 janvier 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.