CRITIQUE SÉRIE - Après une première saison de grande qualité, « The Sinner » est de retour sans Jessica Biel (uniquement à la production) mais toujours avec Bill Pullman pour une nouvelle enquête. Cette suite est-elle justifiée ? Les deux premiers épisodes de la saison 2 donnent une première réponse.
Contre toute attente la première saison de The Sinner marqua l’année 2017. On y découvrait Jessica Biel, méconnaissable et peut-être dans sa meilleure performance à l’écran, accusée d’un meurtre qu’elle admet avoir commis mais ne peut expliquer. L’originalité de la série policière provenait ainsi de son approche : pas de crime à résoudre ni de criminel à trouver. Dès le premier épisode, tout est résolu, du moins en apparence. Car si la jeune femme assassine un inconnu en public lors d’une sortie à la plage avec sa famille, offrant peu de marge de manœuvre pour se dédouaner, l’absence d’explication, de justification vient bousculer les a priori du Détective Ambrose (et les nôtres). De même que sans raison (toujours en apparence, il n'est pas question de vengeance ni d'un caractère psychologique instable pour justifier ce qu'elle a fait), l’acte devient « gratuit », inexplicable et donc effrayant.
Au fil des épisodes, l’enquête se portait donc sur le passé trouble de l’accusée qui permettrait de mieux la comprendre, sans pour autant l'innocenter. Ou la nécessité de ne pas s'en tirer qu'aux faits mais d'élargir sa recherche pour comprendre le crime. Un joli tour de force de la part de son créateur, Derek Simonds, bien aidé par la mise en scène d’Antonio Campos. Subtil dans son approche des trois premiers épisodes, le réalisateur parvenait à laisser entrevoir de nombreuses pistes et à maintenir l’attention. On remarquait par la suite une légère baisse dans la réalisation des épisodes suivants, mais l’ensemble restait une excellente surprise.
Enquêter sur le passer pour comprendre le présent
Forte de son succès, The Sinner a donc été reconduite pour une deuxième saison par USA Network. L’affaire de Cora Tannetti étant conclue, il s’agit désormais de poursuivre l'aventure aux côtés du Détective Ambrose. Ce dernier est à nouveau confronté à un meurtre singulier et plus complexe qu’il n’y paraît. Si la première saison frappait les esprits par la violence visuelle du crime, cette fois, ce sont davantage les faits qui choquent inévitablement : un double parricide.
Après être tombé en panne sur la route, un couple et leur fils, Julian, passent la nuit dans un Motel. Le lendemain, l’enfant apporte du thé à ses parents. Après plusieurs minutes, ils s’étouffent soudainement et meurent. Une fois de plus, The Sinner « ose » ne rien cacher sur les faits. Nul doute que le garçon les a empoisonnés volontairement, mais son attitude reste étrange. Sous la demande d’Heather, la future Inspectrice en charge de l’enquête, Ambrose revient alors dans sa ville natale, à Keller, pour l’aider.
Au cours des deux premiers épisodes diffusés jusque-là par USA Network, la série récite comme attendu un schéma bien élaboré durant la première saison. La première piste n’est évidemment pas la bonne, et au fur et à mesure des révélations plus ou moins attendues amènent à considérer Julian avec davantage d’attention. Ayant désormais conscience que la série va nous livrer une série de twist, on se met logiquement à imaginer différents scénarios : le couple n’était peut-être pas les parents de Julian. Allaient-ils vraiment aux chutes du Niagara ? Qu’allaient-ils faire de Julian là-bas ? L’arrivée de Carrie Coon, toujours excellente, offre finalement des premiers éléments de réponses et d’émotion.
Plus classique mais toujours captivant
Avec sa venue, Derek Simonds déploie en quelques scènes une charge émotionnelle forte, principalement dans sa relation avec Julian. Encore peu vu ensemble à l’écran, le duo est assurément la grande force de cette saison, car il oblige à remettre constamment en question notre rapport aux personnages. Tous deux étant à la fois intrigants et empathiques, mais aucunement innocents (semble-t-il). De par leur jeu maîtrisé, mais également physiquement. Il y a chez le jeune Elisha Henig quelque chose qui ne va pas, un corps qui paraît si enfantin pour un visage au regard déjà presque adulte. Carrie Coon, elle, dégage comme dans The Leftovers une dureté et une froideur si bien combinées à un naturel pourtant chaleureux.
Cependant, bien qu’Antonio Campos soit une nouvelle fois à la baguette (du moins des deux premiers épisodes), le réalisateur se montre un peu plus classique, moins surprenant, et surtout moins dérangeant qu’avec le pilote de The Sinner. Certes, les souvenirs d’enfance d’Ambrose, les rêves de Julian, ou encore les scènes que se remémore Heather avec son amie disparue offrent un peu plus de piment. On reste malgré tout loin du style brute, crasseux et presque malsain adapté à l’histoire rude de Cora Tannetti. Ainsi, à l’instar des épisodes qu’il n’avait pas réalisé en première saison, Campos traite ici moins son sujet par la mise en scène que par le scénario qu’il se contente de mettre en image. Un élément regrettable, mais éminemment sauvé par l’écriture toujours passionnante de Derek Simonds. Ce dernier allant au passage corriger le tir sur les légers défauts de la saison dernière, notamment chez Ambrose, bien moins caricatural.
Avec ces deux premiers épisodes, le showrunner a déjà réussi à justifier la démarche de poursuivre The Sinner. L’ajout d’un nouvel élément, une communauté utopique moins paisible qu’elle en a l’air, devrait offrir des pistes intéressantes à explorer. Espérons que la suite continue dans ce sens.
The Sinner créée par Derek Simonds, la saison 2 diffusée à partir du 2 août 2018 sur USA Network. Ci-dessus la bande-annonce.