CRITIQUE SÉRIE - "The Terror", adaptation du livre de Dan Simmons, fait la lumière à sa manière sur la mystérieuse disparition de deux navires britanniques. Produite par Ridley Scott, la série vaut-elle le coup ?
On en parlait à son lancement, The Terror ne nous avait pas vraiment convaincu. Diffusée sur AMC et Amazon Prime Video, la série nous embarque dans les années 1840. L’Angleterre mandate deux bateaux pour rejoindre l’Antarctique via le Passage du Nord-Ouest. Pris dans la glace et menacés par une présence inhospitalière, le groupe d’hommes va devoir se débrouiller comme il le peut pour se sortir de cet enfer blanc et rejoindre le pays. Notre sentiment général au lancement du show était mitigé. L’ambiance avait du potentiel mais les soucis d’écriture (rythme, personnages) n’aidaient pas à entrer dans ce trip horrifique.
Cryothérapie collective
Sur la saison entière, la série tient ses promesses au niveau de l’ambiance. Les étendues désertiques glacées apportent un cachet indéniable - le cinéma nous a maintes fois prouvé à quel point la glace est cinégénique. On sent physiquement l’impact du froid sur les personnages, la dureté de ce qu’ils vivent. Au détour d’un plan ou d’une scène, des petits détails viennent renforcer cette impression de calvaire. Comme lorsqu’un homme doit se faire découper un doigt de pied congelé ou qu’un autre s’applique de la crème pour soulager ses gerçures. Dans l’immensité d’un scénario, il ne s’agit de rien, d’une ligne. Pourtant ce soin du détail et la parfaite reconstruction d’époque sont essentielles pour que ce survival ne tombe pas à plat.
Car, contrairement à ce que peut laisser penser le début de la saison, The Terror n’est pas une pure série fantastique. Elle revendique totalement son désir de réalisme et délaisse petit à petit tous les éléments surnaturels introduits dès la ligne de départ (des fantômes rôdent en ces lieux ?). La bête sanguinaire devient carrément obsolète dans la seconde partie de l’histoire. À quoi bon s'amuser pendant 5 épisodes à la dévoiler avec parcimonie (la mise en scène se la joue old school en étirant le suspense sur son design) si c'est pour l'abandonner en cours de route ? Elle devient un levier que l'on active selon le bon-vouloir pour distiller ponctuellement une petite touche de gore bien crade. Puis plus rien. Certains seront déçus de constater qu’elle se fait piquer in fine la place par un bad-guy humain au traitement consensuel.
Froid c'est froid, il n'y a plus d'espoir
Ce que met en scène The Terror, ce sont des hommes face à leur solitude, piègés dans un purgatoire monochrome. Leur plus grand ennemi n’est autre qu’eux-mêmes et la maigre limite qui les sépare de la folie. L’épisode 9 (le meilleur) retranscrit à merveille la diffusion générale de la démence. À contrario des attaques de la bête, les morts naturelles se font dans une étonnante douceur. C’est dans la façon dont chacun réagit individuellement à la mort que les scénaristes arrivent le mieux à caractériser leurs personnages. Au bord du gouffre, en queue de comète, même le personnage le plus insignifiant gagne en relief.
En ce sens, les flashbacks n’ont absolument aucune utilité – ils sont carrément contre-productifs ! Pourquoi nous extirper ponctuellement de cet enfer aride alors que les personnages ne peuvent pas, eux ? Surtout si c'est pour s'attarder sur des personnages féminins dont on se contrefout royalement. La démarche d’oppression voulue par ce décor vide se retrouve amoindrie. Heureusement, les scénaristes n’en abusent pas. Dommage de ne pas avoir pensé cette histoire comme une expérience jusqu’au-boutiste, un long tunnel terne désagréable. Le show pouvait se reposer intégralement sur les nombreuses ellipses savamment pensées, qui découpe les longs mois en des épisodes précis. Nul besoin de nous servir un flashback expliquant que les femmes restées à quai s'inquiètent pour leurs époux dans le but démontrer l'amplitude temporelle du récit.
En résulte une anthologie qui souffle le chaud et le froid. Clairement scindée en deux parties (une autour des bateaux, une pour s'enfuir), la première se distingue par ses quelques moments de tension bien troussés (l'attaque finale du 5ème épisode est redoutable) alors que la seconde est une lente agonie rêche, inconfortable. On lui préférera largement cette dernière, où l'amitié entre Crozier et Fitzjames introduit, en bout de course, un sursaut d'émotion bienvenu.
The Terror créée par David Kajganich et Soo Hugh, saison 1 sur Amazon Prime Video à partir du 26 mars 2018. Ci-dessus la bande-annonce.