CRITIQUE / AVIS SÉRIE – "The Undoing" confronte brillamment les membres d’une famille de la Upper Class new-yorkaise à un meurtre sordide et met à jour des vérités qui bouleversent leurs vies.
On ne connaît jamais vraiment ses proches
De nombreuses séries américaines récentes trouvent leur source d’inspiration dans l’univers, a priori parfait, des riches et des puissants. Les faux-semblants, les apparences trompeuses, et les secrets qui les accompagnent inévitablement sont ainsi très bien décrits dans Big Little Lies, inspirée du roman Petits secrets, grands mensonges de Liane Moriarty, ou encore dans Little Fires Everywhere, inspirée de La Saison des feux de Celeste Ng. Le point commun avec The Undoing, série développée elle aussi d'après le roman Les Premières impressions de Jean Hanff Korelitz, ce sont les femmes et la mise en avant de leur point de vue face à des événements complexes. Chaque héroïne doit en effet faire face à une vérité construite habilement sur la base de plusieurs mensonges et c’est souvent à la faveur d’un meurtre que les prises de conscience et la mise à jour des failles sont brutales.
The Undoing, créée par David E.Kelley (qu'on ne présente plus depuis Ally McBeal en passant par Boston Justice jusqu’à Big Little Lies), met rapidement le spectateur en condition en posant le contexte et les éléments qui vont conduire à l’irréparable. Il donne ainsi à voir Grace Sachs (Nicole Kidman), comblée par son existence personnelle et professionnelle, que d’aucuns pourraient qualifier de parfaite. Thérapeute spécialisée dans les relations de couple, Grace est une femme digne et d’une grande classe, dans la maîtrise extrême d’elle-même et de l’image qu’elle renvoie : rien ne dépasse et tout doit être parfait.
Sous sa magnifique chevelure rousse disciplinée, elle ne laisse échapper aucune émotion (impression renforcée par les effets de la chirurgie esthétique qui fige les traits de l’actrice). Grace est mariée à Jonathan (Hugh Grant, très juste dans un rôle bien différent de son répertoire habituel), oncologue-pédiatre assez solitaire et misogyne, dont elle apprécie l’humour et le flegme britanniques. Couple fusionnel, ils sont également complices avec leur fils de 12 ans, Henry (Noah Jupe), qui fait de brillantes études à l’école très chic de Reardon.
La laideur peut aussi s’inviter dans le monde gracieux des puissants
La série, réalisée par Susanne Bier, suit donc la petite famille dans sa routine quotidienne, leurs échanges en confiance sur leur travail respectif et leur entourage, ainsi que leurs activités culturelles. The Undoing dresse avec habileté le portrait de héros qui évoluent dans le milieu endogame de la Upper Class new-yorkaise : beaux, brillants, admiratifs et respectueux les uns envers les autres, résidant aux abords de Central Park qu’ils traversent inlassablement à pied. Franklin Renner (Donald Sutherland), le père de Grâce, est issu du même cercle mais lui et son gendre ne s’apprécient guère, et on peut supposer que leur rivalité est liée à leur pays d’origine ou plus simplement à celle d’un père envers un homme qui lui a pris sa fille alors qu’il ne l’en jugeait peut-être pas digne.
A l’occasion d’une collecte de fonds organisée pour l’école, Grace et ses amies rencontrent Elena Alves (Matilda De Angelis), dont le fils Miguel a obtenu une bourse. Elena est comme Jane dans Little Big Lies ou Mia dans Little Fires Everywhere : elle ne fait pas partie du même milieu social et suscite chez ces femmes qui se connaissent si bien un mélange subtil de malaise et d’envie. Car Elena déteint clairement dans ce paysage par son comportement proche de l’impudeur. Elle allaite sa dernière-née en public, se balade nue dans les vestiaires ou fixe les gens avec intensité et sans vergogne. The Undoing montre bien à quel point la sulfureuse Elena trouble Grace, qui semble voir en elle tout ce qu’elle n’est pas ou n’a pas eu la possibilité d’être : la liberté faite femme, qui a pu s’épanouir en l’absence de carcans. Mais Grace n’aura pas le temps de réfléchir plus avant à son trouble, car Elena est assassinée et son corps est découvert par son fils, puis son mari Fernando Alves (Ismael Cruz Cordova).
On ne dira évidemment rien ni des rebondissements multiples, ni des coupables potentiels. On peut juste évoquer deux personnages qui entrent en jeu et qui vont, par leurs découvertes, bousculer la famille et permettre de faire éclater des vérités bien embarrassantes dans ce milieu si protégé. Le policier Mendoza (Édgar Ramirez) et l’avocate Haley Gibson (Noma Dumezweni). The Undoing décrit parfaitement toutes les étapes du gouffre dans lequel Grace va tomber peu à peu, ayant de moins en moins de certitudes auxquelles se retenir et de soutiens, car le regard porté sur elle et ses proches n'est plus bienveillant. Le doute s’installe, sa confiance est sans cesse éprouvée par de nouvelles révélations et une faille s’ouvre dans chaque pan de sa vie, l’obligeant à faire des choses qu'elle juge indignes de sa position sociale. Grace évolue d’ailleurs dans un environnement de plus en plus flou, symbolisé par la façon dont elle est filmée. Au centre, tout est clair, mais les bords du cadre sont flous, et plus elle avance sur le chemin de la vérité, plus les flous prennent de l’importance à l’écran.
Grâce à un suspense haletant et des flashbacks judicieux, The Undoing se révèle donc une série palpitante qui montre comment une vie maîtrisée peut totalement s’effondrer et laisser place à un chaos émotionnel, sans que l'on puisse jamais revenir en arrière.
The Undoing créée par David E.Kelley, diffusée sur OCS le 26 octobre 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.