CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Les séries aussi ont parfois le droit à une place lors du Festival de Cannes. À l'occasion du 72ème, nous avons pu découvrir les épisodes 4 et 5 de "Too Old to Die Young", la création de Nicolas Winding Refn et Ed Brubaker pour Amazon.
Le style Nicolas Winding Refn est désormais une marque. En ouverture de l'épisode 4 de Too Old to Die Young, présenté au 72ème Festival de Cannes, apparaît le logo #byNWR. Le danois ne se cache pas d'avoir en quelque sorte labellisé son style si particulier. Pour les dépréciateurs, ils auront probablement quelques suées à l'apparition de ce fameux logo, gage de retrouver tout ce qui peut déplaire et, par extension pour les autres, plaire. En dehors de retrouver Refn, c'est davantage la promesse de le voir explorer un territoire inédit pour lui, à savoir la série.
Le format se différencie largement du cinéma avec des exigences structurelles bien différentes. Il est donc intéressant de voir comment ce fameux style NWR peut s'adapter à cet exercice particulier, tout en gardant les principaux traceurs qui définissent son univers. Et puisqu'il faut s'attendre à tout avec un artiste de cet acabit, la présentation en avant-première de la série à Cannes s'est faite dans des conditions particulières. Seulement deux épisodes ont été montrés, les 4 et 5. Pas de début, donc, pour nous installer les bases de cette intrigue.
Parachutés au milieu de la narration, nous comprenons néanmoins globalement ce qu'il faut comprendre. Miles Teller incarne un flic à Los Angeles qui se mue en tueur à gages. Son seul objectif est de débarrasser sa ville, et plus si possible, des pires raclures. Ses contrats, pour lesquels il ne demande même pas d'argent, vont le faire explorer des recoins sombres et rencontrer des personnalités détestables. Nicolas Winding Refn n'ayant jamais été un scénariste d'une complexité harassante, il reste sur cette ligne de conduite, bâtissant son univers sous l'armada habituelle de néons. Ce n'est pas avec Too Old to Die Young qu'il remettra en cause les arcanes de son cinéma, tant la série s'apparente à un melting-pot de ses précédents travaux. Du Drive par-ci, du Only God Forgives par-là... Ses obsessions, narratives que formelles, sont identiques. L'attirance pour la violence reste intacte, autant que sa mise en scène sophistiquée. Los Angeles devient une citée surréaliste grâce au prisme de sa caméra, tant et si bien que la croisade du protagoniste principal flirte avec l'onirisme.
L'émotion en moins, il donne l'impression d'avoir repensé son cultissime Drive pour le faire tenir sur dix épisodes. Miles Teller est d'ailleurs un parfait ersatz de Ryan Gosling, un ange taiseux missionné par une force divine pour éradiquer le Mal. Solution de facilité ? Peut-être. Nicolas Winding Refn gagne quand même quelque chose en passant au format série, notamment sur l'extension de ses scènes, qu'il pense toutes pour être des moments marquants. L'épisode 5, par exemple, passe la moitié de son temps à faire grimper la tension avec des personnages qui discutent. Jusqu'à une explosion de violence subite, enclenchant une poursuite surréaliste.
Moins limité que sur un long-métrage, Nicolas Winding Refn insiste sur l'importance du temps qui s'écoule, fidèle aux silences qui habillent ses dialogues concis. Il y a toujours ce refus de faire un cinéma plat qui l'anime. Mais quand on peut se permettre de travailler avec le directeur de la photographie Darius Khondji, pourquoi se priver de privilégier la forme au fond ? Après, tout, le travail du metteur en scène n'a jamais été d'une grande profondeur thématique. On ne sera pas étonné de le retrouver en train de se faire un plaisir dingue, composant des plans somptueux avec une soif démesurée. N'importe quelle situation devient parfait prétexte pour fabriquer un plan qui suinte le cinéma. Comme ce travelling sur une scène de crime, à la gratuité évidente car au service d'aucune portée symbolique.
Tous les défauts de son travail risquent de se retrouver accentués sur l'entièreté une série mais il en va de même pour les qualités. Démultipliant l'importance de ce qui l'intéresse, dont cette fascination pour une violence exacerbée, Nicolas Winding Refn n'a probablement jamais pris autant son pied derrière la caméra. Ça ne sera certainement pas suffisant pour convaincre le camp opposé d'y adhérer, mais ceux qui se sont déjà ralliés à la cause, comme nous, vont prendre un pied monumental.
Too Old to Die Young de Nicolas Winding Refn et Ed Brubaker, à partir du 14 juin 2019 sur Amazon Prime Video. Ci-dessus la bande annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.