CRITIQUE SÉRIE - La nouvelle saison de la série de Canal+, "Tunnel" résume tout dans son titre. Cette création franco-britannique est profondément ancrée dans l’actualité.
La saison 3 de Tunnel explore les thématiques du Brexit, le problème des migrants et de la montée de l’extrême droite. Les inquiétudes de cette actualité nourrissent cette série policière. Dans cette nouvelle saison, le terrorisme fait également son apparition.
Un bateau de pêche français est retrouvé sur les rives de la manche. À son bord un trafiquant passeur molesté et trois enfants migrants disparus. L’inspecteur Karl Reobuck (Stephen Dillane) passe outre l’indifférence de son nouveau chef et mène l’enquête avec ses collègues français. Leur enquête les conduits à de mystérieux rituels et un individu obscur animé par la vengeance.
La série placée dans un contexte politique fort
Dans Tunnel le contexte politique lié au Brexit est planté d’ambler et cette nouvelle saison ne fait pas exception. Ainsi, l’élément qui déclenche l’enquête se trouve entre la France et l’Angleterre. Ici, il ne s’agit pas d’un meurtre, mais d’une disparition troublante jumelée d’une séquestration inattendue. Le tunnel sous la manche est aussi le théâtre d’événements qui interpelle les inspecteurs comme un lâcher de rats.
Les relations entre le bureau anglais et français apparaissent également comme rompues ou abîmées. Le mot Brexit est invoqué entre les deux partis. Un chef qui considère que le problème de l’un n’est plus celui de l’autre et vice-versa. Celui-ci amène aussi de la crispation entre les différents personnages et des discours extrémistes émergent dans la parole de citoyens anglais. Telle une brume grisâtre le Brexit pèse sur la série. Mais malgré celui-ci, le spectateur ressent immédiatement le malaise que montre bien la série, la police de France et du Royaume-Uni est liée. Ils ne peuvent pas faire autrement que de travailler ensemble.
La séparation comme antagoniste
La séparation est très présente dans cette nouvelle saison, elle apparaît même presque comme une certaine brisure. Dans l’histoire, celle-ci prend vie par un couple séparé, par des collègues qui se retrouvent et par des duos inséparables. Mais de manière indéniable elle montre que cette séparation est réelle, qu’elle a des conséquences, mais aussi qu’elle est contre nature, d’une certaine manière imposée et subie. Cette séparation est aussi matérialisée par le désaccord d’inspecteur français comme anglais vis-à-vis de leur hiérarchie. Cette séparation subie agie sur les personnages principaux comme un antagoniste invisible. Et chacun lutte contre elle.
Le terrorisme, le thème central
Dans cette troisième saison, les inspecteurs mènent leur enquête et avancent à partir, non plus de meurtre, mais de rites sacrés. Ici, les victimes ne sont pas forcément tuées, elles sont marquées ou mutilées. Et les symboles du sacré et de la faute sont les éléments qui guident les inspecteurs vers celui qui semble animé d’une mission de vengeance. Le suspect utilise des drogues qui provoquent des états d’amnésie et marque certaine de ses victimes au fer rouge, comme pour les frapper du sceau de la honte.
Les images sont aussi des indices, elle est parfois symbolique, et laissée par le suspect pour passer son message. Ou parfois elle est utilisée comme une arme pour humilier sa victime. Celle-ci a une portée sacrée également. Et le tueur donne l’impression de poursuivre une mission et très rapidement les inspecteurs font le lien avec le mot vengeance.
Une série plus proche de l’inspecteur Derrick que de Seven
Même si la série repose sur des thèmes intéressants avec comme toile de fond une actualité qui soulève de véritables questions, Tunnel entraîne par moment son spectateur à s’enfoncer dans son divan. En effet, la multiplicité des personnages et des problématiques fait perdre le fil et donne une forme de lenteur à l’action. Les rebondissements sont relativement faibles et tardent à faire leurs apparitions. Le mystère qui entoure le suspect s’avère un peu trop flou ou brumeux, c’est au choix. Mais au final, le spectateur ne sait jamais grand-chose, tout comme les protagonistes, et le suspens s’en trouve largement amoindrie. Le spectateur avance toujours au même niveau que les héros et il ressent les choses en même temps que lui.
Pour conclure, cette troisième saison de Tunnel intéressera sans doute ceux qui ont suivi les deux précédentes. Mais elle n’est pas vraiment un chef d’œuvre, elle est tout au plus sympathique.
Tunnel saison 3, diffusée en juin 2018 sur Canal+. Ci-dessus la bande-annonce.