CRITIQUE / AVIS SÉRIE - Après "Marianne", une nouvelle série fantastico-horrifique made in France arrive sur Netflix. "Vampires" place les suceurs de sang au sein de notre capitale et s'avance avec un casting alléchant. Faut-il se laisser tenter par cette création originale ?
La figure du vampire a déjà eu des interprétations diverses et variées, que ce soit dans la littérature ou au cinéma. Co-créée par Benjamin Dupas, Isaure Pisani-Ferry et Anne Cissé, la série Vampires s'inspire du roman éponyme de Thierry Jonquet, qui a été publié après sa mort, sans qu'il ne soit achevé. Cette création Netflix a un beau matériau à faire valoir et présente son contexte de base immédiatement aux téléspectateurs. "Les vampires existent. Ici, tout près de nous. Ils vivent cachés, dans la clandestinité" peut-on lire. En l'occurrence, ceux que nous allons suivre sont à Paris. L'intrigue s'attarde en particulier sur Doïna Radescu, une adolescente issue d'une famille de vampires. Sa mère, Martha, fait tout pour la protéger de la communauté. Mais quand arrive le moment fatidique où sa particularité ressort et qu'elle doit assumer qui elle est, elle va découvrir un monde caché.
Vampires, comme Marianne en son temps, arrive avec des belles ambitions pour traiter le genre d'un point de vue français. L'horreur, cette fois, est moins grandiloquente. Moins saisissante aussi. C'est avant tout l'aspect psychologique qui est mis en avant, pendant que toute la mythologie est déployée en fond. Doïna, incarnée par Oulaya Amamra, doit apprendre à dompter les codes de la communauté à laquelle elle pourrait appartenir (si sa mère ne l'en éloignait pas) et aussi se découvrir comme femme. La série parle de l'âge ingrat de l'adolescence, où les meilleurs amis sont des substituts à la famille, où le conflit avec les parents est monnaie courante, où on tente de comprendre son corps et son rapport au désir. Pas de chance pour notre héroïne, qui doit, en plus de toutes ces problématiques, gérer son côté vampire. Celui-ci entre en collision avec sa transition vers le monde des adultes, comme dans son rapport charnel au sexe opposé. Le vampire a souvent été traité d'une manière sexualisée et la série s'en sert aussi ici, dans le développement d'une histoire d'amour avec le ténébreux Nacer (campé par la révélation Dylan Robert).
Des femmes vampires au front
L'intelligence du traitement est de prendre des personnages féminins comme piliers, ce qui crée une seconde lecture liée à l'appropriation du corps. Les hommes sont présents dans le scénario mais ce dernier s'évertue à mettre en avant des femmes, dans tous les camps. Dans l'imaginaire collectif, le vampire est un homme, de surcroît séduisant, qui sait arriver à ses fins - pénétrer la chair. Il reste un peu de cette idée dans la série, mais les rapports de force s'effectuent entre les femmes. Suzanne Clément, en mère de famille prête à tout pour protéger les siens, s'oppose à Kate Moran en manitou de la confrérie. Cette seconde souffre malheureusement d'une caractérisation ratée. Rien que son accent la transforme en mauvaise méchante de nanars, et elle tombe à répétition dans un jeu trop démonstratif pour susciter un début de crainte. Plus généralement, la série a un mal fou à susciter autre chose que de l'embarras quand elle emploie ses antagonistes.
Des trouvailles pour bâtir une mythologie (presque) originale
Vampires présente quelques évidentes faiblesses, dans l'écriture notamment, mais on apprécie l'angle d'approche d'une mythologie pourtant déjà essorée dans tous les sens. En restant ancré dans un Paris moderne, on ressent vraiment que ces vampires peuvent exister parmi nous, en ce moment. Les scènes où leurs conditions de vie sont explicitées rendent l'univers riche, en particulier quand on explore le côté clandestin, avec une sorte de camps pour accrocs au sang, et même lorsqu'on pénètre dans l'appartement des Radescu. Ce qui donne à voir des vampires semblables à des migrants, dénués de papiers, en marge de la société humaine. À l'opposé, le reste des vampires qui accepte la notion de clan, peut bénéficier d'un cadre de vie confortable, dans des appartements chics.
La série tient à ne pas sombrer dans un fantastique trop explicite et ramène les particularités des vampires dans un giron très réaliste, avec notamment quelques phases portées sur les détails scientifiques qui expliquent qu'on ne devient pas un suceur de sang lorsqu'on se fait mordre. Le ton très réaliste s'entrechoque avec des scènes plus débridées, où la mise en scène se laisser porter par des cabrioles stylistiques. Cette relecture française manque de constance pour combattre avec des créations originales venues d'ailleurs dans le catalogue de la plateforme, mais elle ne nous fait clairement pas honte.
Vampires, à partir du 20 mars 2020 sur Netflix. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.