CRITIQUE SÉRIE - Nouvelle création d'OCS, "Vingt-Cinq" est surtout la première oeuvre de Bryan Marciano, qui signe l'écriture, la réalisation et s'offre le premier rôle d'une comédie dramatique générationnelle attachante, où une bande de jeunes, la trentaine en tête, en vient déjà à se questionner sur la vie et l'avenir.
Quand on pense à la première crise existentielle d’une vie, ce moment de remise en question personnelle, on imagine celle de la trentaine. Mais ça, c’était peut-être avant. Aujourd’hui, en 2018, on n’a plus vraiment le temps d’être jeune qu’il faut déjà penser à son avenir, à se construire une famille une fois un CDI en poche, et pourquoi pas songer à sa retraite. Car pour certains, “si à vingt-cinq ans on n’est pas le meilleur dans ce qu’on fait, on ne le sera jamais”. Alors, les angoisses sur le futur et sur la manière d’atteindre une réussite professionnelle et personnelle, et si c’était dès ce jeune âge tout ça ?
Des losers attachants
C’est en tout cas ce qu’estime Bryan Marciano avec sa série Vingt-cinq, inspirée de sa propre vie et de celle de ses proches, qu’il a lui-même créé, écrit et réalisé, tout en s'octroyant le premier rôle - un très bon choix. Dedans, une bande de jeunes entrées trop tôt dans la vie active et qui avancent à reculons, à contre-sens, tels des saumons comme le décrit si bien Jeremy, personnage principal de cette nouvelle production OCS, qui à son retour de New York se fait larguer par sa copine de longue date. De par ce qu’il incarne, on le croirait sorti du cinéma de Cédric Klapisch. Tout en prenant en référence Garden State, Vingt-cinq se poserait alors comme une sorte de rencontre du Péril jeune (1994) et de L’Auberge espagnole (2002), au format sériel et avec cette touche singulière qu’on retrouve dans les produits d’OCS (Irresponsable). Jeremy a clairement quelque chose de Xavier. Tantôt sympathique, tantôt pathétique, amusant et triste à la fois, il lui faudra se planter un bon nombre de fois avant de prendre la bonne décision.
À ses côtés, sa bande de potes est tout aussi en galère. D’abord professionnellement pour Alex - très bon Alexandre Boublil, qu’on ne croirait pas venu d’une école de commerce. Lui qui squatte chez sa copine, une femme aisée et à ses petits soins (elle lui a même pris Bein sport), en attendant que lui vienne une bonne idée qui le rendra riche. Ensuite sexuellement pour Jonas (Pierre Lottin, qui se révèle hors de son rôle des Tuche). Sous ses airs de beau gosse abruti qui profite d’une richesse soudaine obtenue de l’héritage de son père, il devra assumer son homosexualité soudainement découverte. Ou encore familiale pour Adrien (Pablo Pauly, parfait), coincé dans une vie banal et peu excitante avec sa petite amie dans un pavillon de banlieue et dont la prochaine étape serait d’obtenir son CDI et d’avoir un enfant. Un plan de vie auquel il se destine qu’il tentera de fuir plus d’une fois. C’est probablement lui qui se rapprocherait le plus de Jeremy. Tout deux paraissant vieux avant l’âge et fantasmant une vie d’aventurier.
Une écriture sensible et drôle
À l’image d’Irresponsable, qui en terme de mise en scène se montrait un peu timide en première saison, Vingt-cinq ne prend que peu de risque à ce niveau. Néanmoins, Marciano parvient ici et là à capter un regard ou une caresse qui témoignent d’une vraie sensibilité. Mais la véritable force de la série se trouve, à l’évidence, dans l’écriture. La qualité d’écriture dont dispose Marciano n’est pas donnée à tout le monde. Car il parvient constamment à toucher juste. À trouver cette phrase (ou rien qu’un mot) qui fera mouche. Drôle, il l’est, autant dans ses répliques que les situations présentées, jouissives dans le malaise qu’elles provoquent parfois - il n’y a pas à dire, les longs silences gênés sont toujours drôles.
Mais surtout, rien n’est dû au hasard et Marciano semble constamment questionner sa génération. Observant avec attention les névroses de chaque protagoniste, il n’est pas toujours tendre avec eux. Plus d’une fois Jeremy passera pour un gros con immature et égocentrique. Mais toujours Bryan Marciano le ramène dans un droit chemin. De même qu’avec le personnage de Laëti (Marie Petiot), la bonne pote du groupe, exubérante, il grattera suffisamment pour laisser paraître la profonde tristesse d’une jeune fille en quête d’affection. Un personnage qu’on a probablement tous déjà côtoyé et qui donne une place intéressante aux femmes dans la série.
Vingt-cinq a alors ce paradoxe de pouvoir autant foutre le cafard qu’aider à la (sa ?) réflexion. Même si dans le fond il ne traite pas de sujets très originaux - la difficulté à surmonter une grosse rupture a par exemple été vue mille fois - Bryan Marciano en tire quelque chose de tellement vrai et personnel qu’on ne peut qu’adhérer. Lui qui, après avoir bossé dans une maison de disques s’est retrouvé au chômage à 24 ans avant de se lancer dans l’écriture. Avec Vingt-cinq, sa première création, il donne ainsi cette impression de dépeindre notre propre vie ou celle d’un.e pote, d’aujourd’hui ou d’hier. Là encore, c’est toute la sensibilité de Cédric Klapisch qu’on retrouve chez ce jeune auteur. Vingt-cinq, pas dénuée de certaines longueurs, mais portée par un casting excellent, pourrait alors être cette œuvre générationnelle dont on avait besoin en cette fin des années 2010. On ne peut que souhaiter à Bryan Marciano la même trajectoire que son aîné, envisageable après cette belle réussite.
Vingt-cinq créée par Bryan Marciano, à partir du 25 octobre 2018 sur OCS. Ci-dessus la bande-annonce.