Servie par une bande originale impeccable, un créateur et des réalisateurs confirmés, et enfin une distribution talentueuse, "ZeroZeroZero" raconte avec précision et émotion le trafic de drogue international. Une réussite pour cette coproduction internationale qui a matérialisé une idée très ambitieuse.
Après le très réussi Sicario : La Guerre des cartels, et ses non moins réussis épisodes des séries Romanzo Criminale et Gomorra, le réalisateur Stefano Sollima crée une série qui va réunir ces deux univers criminels, une production internationale ambitieuse développant un thriller policier sur un trafic de drogue à l'échelle mondiale. Dans ZeroZeroZero, des criminels mexicains, italiens et américains se retrouvent impliqués dans le transport d'un énorme chargement de cocaïne à destination de l'Italie. Le plan est a priori simple : la mafia italienne achète la cargaison vendue par un cartel mexicain et transportée par des armateurs américains. Tous ont intérêt à ce que le chargement parvienne à bon port, mais c'est évidemment sans compter les intrigues propres à chacune de ces organisations, qui vont compliquer ce trajet, particulièrement la lutte intestine au sein de la 'Ndrangheta, l'organisation mafieuse en question.
Une ambition et des ressources hors normes
Cette coproduction internationale qui réunit Sky, Amazon Studios et Canal +, est basée sur l'oeuvre de Roberto Saviano, journaliste et écrivain italien spécialisé dans la mafia et le crime organisé en général. C'est lui qui a écrit le livre "Gomorra", dont sont tirés le film et la série, deux productions couronnées de succès. Il a aussi écrit "Extra pure : Voyage dans l'économie de la cocaïne", dont ZeroZeroZero est l'adaptation. Ambitieuse sur le fond, ZeroZeroZero l'est aussi sur la forme, avec une production qui n'a rien à envier aux meilleurs longs-métrages du genre.
Pour rendre au mieux cette histoire, la production a vu grand en tournant dans divers lieux : le Mexique, l'Italie, le Sénégal, le Maroc et les États-Unis. Le réalisme en est évidemment accru, ce qui satisfera les spectateurs autant sur le plan esthétique que sur le plan de l'authenticité. Pour parfaire l'ensemble, la bande originale est assurée par le groupe Mogwai, à qui l'on doit notamment la musique de The Fountain (avec Clint Mansell) et de la série française Les Revenants. On peut d'ailleurs remarquer que le générique fait penser à celui du Bureau des Légendes, autre marque du niveau et de l'endroit que ZeroZeroZero souhaite atteindre et occuper.
Tout y est : la violence inhérente au trafic, le machisme italien et la religiosité mexicaine, et le goût américain, impérial et insatiable, pour l'argent. Les interprètes sont excellents, malgré leurs différences de traitement. Mention spéciale à Harold Torres et Andrea Riseborough, Manuel Contreras et Emma Lynwood, qui portent presque à eux seuls tous les enjeux de leur "famille": pour le premier une équipe de militaires corrompus, pour la seconde une puissante famille d'armateurs de la Nouvelle-Orléans, les Lynwood donc. La relation d'Emma avec son frère Chris, interprété par Dane DeHaan, est une des matrices émotionnelles les plus accomplies de la série. Concernant les trafiquants italiens, est-ce faute d'avoir été la criminalité historiquement la plus représentée au cinéma ? Les mafieux sont en tout cas ici les moins surprenants ou intéressants de ce consortium de trafiquants, même si leur partie est tout aussi bien écrite et interprétée.
ZeroZeroZero : une série critique et prémonitoire
L'idée de ZeroZeroZero est de montrer comment ce commerce ressemble terriblement aux autres, avec ses intermédiaires, ses plannings et ses partenariats. Rien ne doit venir barrer la course du cargo transportant la marchandise, comme rien ne peut venir en travers de la course du monde. C'est d'ailleurs un des points éclairés par Edward Lynwood (Gabriel Byrne), dès le premier épisode : leur activité de trafiquants est essentielle à la santé de l'économie mondiale. ZeroZeroZero est donc, en plus d'un spectacle très satisfaisant, une série critique et analytique du capitalisme. Ce n'est pas étonnant, car Roberto Saviano est un journaliste d'investigation, mais c'est toujours un défi de traduire une telle réalité économique et sociale à l'écran. Pour ne rien laisser dans l'ombre, ou le moins possible, on reviendra très souvent sur une même séquence, mais vécue par les différents protagonistes. Ce qui a le mérite de tendre à l'exhaustivité, et aussi de créer une réelle émotion en démultipliant l'implication dans les événements.
Ce qui est enfin remarquable dans ZeroZeroZero, c'est que la série, ambitieuse sur son contenu et sa forme, préfigure les séries de demain. Des séries qui seront co-produites par des studios traditionnels et locaux avec des plateformes comme Amazon Prime Video, Netflix, Disney +, Apple TV, etc. Plutôt que de chercher à trouver une matière universelle, les séries vont se développer internationalement en synthèse de programmes locaux. Une ambition scénaristique réelle donc, mais aussi l'assurance de toucher toutes les audiences représentées dans la série : ZeroZeroZero a ainsi vocation à intéresser les publics nord-américain, européen et sud-américain. Sur ce modèle, on attend avec impatience des nouvelles du projet Citadel mené par les frères Anthony et Joe Russo . Et on espère bien que ZeroZeroZero aura prochainement une nouvelle saison.
ZeroZeroZero, à partir du 9 mars en France sur Canal +. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.