"The Artist : Reborn", premier long-métrage, révèle à la fois un cinéaste, Kim Kyoung-won, et un cinéma où l’absurde côtoie le réel avec une certaine saveur.
Avec son sujet universel – les coulisses du monde de l’art comme miroir déformant de notre société individualiste et capitaliste, The Artist : Reborn de Kim Kyoung-won s’écarte d’enjeux et de thèmes proprement coréens pour se diriger vers la fable satirique, certes efficace, mais finalement un brin désuet comme pouvait l’être la Palme d’or, The Square, objet esthétique et théorique imposant mais à la rhétorique moralisatrice.
L’héroïne, Giselle de son nom d’artiste, revient en Corée après quelques années passées en Europe où, en plus d’avoir étudié l’Art, elle s’est forgé un fort caractère. Déterminée à ne faire aucune concession sur ses idéaux intellectuels, elle déchante rapidement. Son assurance et son expertise ne sont plus des atouts dans cet univers très formaté. Heureusement, son surprenant décès déclenche un succès inespéré en son vivant. Galeristes et experts culturels s’empressent de lui faire sa biographie, de lui inventer des traumatismes, des côtés sombres, pour faire monter la sauce, et pourquoi pas, le prix des œuvres. Mais, malheureusement, elle se réveille, ou plutôt ressuscite au grand dam des deux galeristes en chef qui le voient d’un très mauvais œil.
Un "The Square" coréen et simple
Il y a dans The Artist : Reborn toute l’absurdité d’un univers paradoxalement aseptisé, éminemment masculin et vampirisé par l’argent, qui saborde la singularité des œuvres au profit du culte de l’artiste, du nom ou de la marque. C’est une critique très juste de ce qui régit aujourd’hui l’art contemporain, devenu un marché comme un autre, où l’on serait prêt à « tuer » pour conserver sa "poule aux œufs d’or". Derrière le ton volontairement tragi-comique, tout en pointe d’ironie, il y a une lutte impossible à mener pour l’artiste, celle pour sauvegarder son identité et ne pas vendre son âme dans un pacte quasi faustien. Avec une telle critique, gentiment acidulée par le jeu des tonalités typiquement coréennes, difficile pour The Artist : Reborn de ne pas remporter l’adhésion tant sa démonstration se fait toujours avec légèreté sans jamais perdre en acuité, finalement à l'inverse de la Palme d'or.
The Artist : Reborn de de Kim Kyoung-won, présenté au festival du film coréen à Paris du 24 au 31 octobre 2017. Ci-dessus la bande-annonce.