À l’occasion de la sortie de "Spider-man Homecoming", nouvelle adaptation de l’homme araignée au cinéma, retour sur la célèbre trilogie de Sam Raimi.
Si aujourd’hui les super-héros inondent chaque année les écrans en suivant à peu près tous la même formule, ce n’était pas le cas il y a vingt ans. Au début des années 2000 (et même fin 1980 avec les Batman de Tim Burton), de vrais réalisateurs/auteurs se sont accaparés le genre. Guillermo del Toro avec Blade 2, Bryan Singer avec les X-men, même Night Shyamalan avec Incassable, et plus tard Christopher Nolan avec Batman. Mais le plus important, celui qui aura vraiment changé la donne le premier, c’est peut-être Sam Raimi avec sa trilogie Spider-man, réalisée entre 2002 et 2007. Celle qu’on peut considérer comme la meilleure adaptation du personnage imaginé par Stan Lee, que beaucoup gardent encore en mémoire. Décryptage.
Une mise en scène à forte personnalité
La première force de Sam Raimi sur Spider-man est d’avoir pu y apposer sa patte. Et ce, dès le premier opus. Pour lui, il ne s’agit pas tant de faire un film de super-héros, mais bien un teen-movie, avec toute la naïveté et le kitsch qui peut y être associé, sans pour autant être dénué de messages et de symboliques. À la découverte de ses nouvelles aptitudes, Peter s’amuse à faire sortir de la toile blanche de son corps. Agissant en cachette dans sa chambre, il trouve une excuse bidon lorsqu’il se fait prendre par sa tante. Et le reste du temps il ne rate pas une occasion de mater par sa fenêtre sa voisine, la girl next door Mary Jane, qu’il ne pense pouvoir « choper » qu’avec une voiture.
Ce n’est pas pour rien que Raimi a pris de grandes libertés avec le personnage. Notamment par rapport à la toile de Spider-man (qui ici sort directement du corps de Peter, et ne provient de capsules placées dans son costume). Car, qui dit jeune garçon découvrant des changements sur son corps liés à la puberté, dit forcément masturbation. La métaphore n’est pas très subtile, mais pour le moins pertinente et audacieuse pour un tel blockbuster.
Un mélange des genres
Si le premier opus dispose déjà d’un certain penchant pour le fantastique de la part de Raimi, trouvant là quelque chose des Batman de Burton, c’est avec Spider-man 2 que le cinéaste rappelle vraiment ses premiers amours. A savoir le genre de cinéma d’horreur fantastico-comique. Avant les Spider-man, Sam Raimi a toujours cherché à ne pas rester bloquer dans un seul genre. Débutant dans l’horreur, avec Evil Dead 1 et 2, déviant plus vers le comique avec le Evil Dead 3, après avoir réalisé une vraie comédie avec Mort sur le grill (co-écrit avec les frères Coen), et touchant même au western avec Mort ou vif. Chaque opus de Spider-man dispose de pointes d’humour singulières, d’un comique de situation obtenue souvent par la maladresse de Peter Parker, comme cette séquence géniale de Spider-man dans un ascenseur.
Mais avec Spider-man 2, il tend déjà vers quelque chose de plus sombre. Autant dans le récit plus mature – l’histoire d’Octopus, la relation complexe entre Mary Jane et Peter -, que dans sa mise en scène. Comme la création d’Octopus, que Raimi réalise dans la pure tradition du cinéma d’horreur. Un véritable massacre avec des gros plans sur la monstruosité naissante et les cris de ses victimes.
Une approche qui casse totalement les codes cinématographiques du film. Car du reste, Raimi sait quand et comment proposer un vrai spectacle hollywoodien. Cet épisode, le meilleur de la trilogie, livrant des batailles impressionnantes avec beaucoup de volume et de mouvement. Des combats, en soit, relativement simple, puisqu’il s’agit de rester à échelle humaine. Certes, cela se déroule sur un train ou un building, mais entre Spider-man et Octopus, tout se passe au corps-à-corps. Tandis qu’aujourd’hui Hollywood multiplie les explosions massives pour en mettre plein les yeux, Raimi, lui, parvenait à nous scotcher avec bien plus de simplicité.
Un personnage pensé sur le long terme
Si le premier film raconte donc l’adolescence du héros, le second aborde le passage à l’âge adulte. Peter doit jongler entre ses études et des petits boulots qu’il ne parvient pas à garder. C’est finalement comme photographe freelance qu’il trouve le moyen de gagner un peu d’argent, mais rien de très glorieux. Et avec sa relation impossible avec Mary Jane, Peter commence logiquement à remettre en question sa vie et ses choix. C’est donc un long parcours sur la quête d’identité que Raimi développe ici, provoquant toujours davantage d’empathie pour son personnage. Car comme souvent chez les super-héros, le plus intéressant reste leur part humaine.
A ce propos, Sam Raimi expliquait lors de la sortie de Spider-man 3 :
Le thème principal des trois films a toujours été la profondeur, la richesse des personnages et la façon dont leurs vies sont liées. L'amour qu'éprouve Peter pour Mary Jane Watson et son amitié avec Harry Osborn constituent depuis le début l'aspect le plus riche de nos histoires.
Dans ce nouveau film, la complexité, la profondeur des personnages est encore plus grande, ils deviennent des êtres humains plus riches et peuvent accomplir davantage que dans les films précédents.
De grandes responsabilités
En cela, même s’il n’est pas dénué de défauts, Spider-man 3 reste peut-être l’épisode le plus riche de la saga. C’est là que la crise de personnalité de Peter devient passionnante. Son succès lui faisant prendre la grosse tête et impactant son couple. Spider-man 3 prend alors la forme d’une histoire de couple dramatique.
Néanmoins, Raimi n’en oublie pas d’évoquer encore et toujours la question des responsabilités, et de la paternité via les liens père/enfant - Osborn et son fils, ou Mary Jane et son père. Avec Sandman, petit gangster malheureux transformé malgré lui en monstre, et désireux de subvenir aux besoins de sa fille, il propose un méchant ambivalent. Plus victime qu’autre chose, capable d’obtenir notre empathie, parfois davantage que Spider-man devenu détestable. Un sentiment provoqué dès la naissance du personnage, véritable moment de poésie touchant. Le personnage aurait mérité un film à lui seul. Mais il se retrouve malheureusement trop limité en raison des présences de Venom et du Bouffon.
Des images mythiques
Finalement, ce qui place cette trilogie au-dessus du lot, c’est le fait qu’elle ait réussi à marquer toute une génération. Pour beaucoup, Spider-man restera avant tout Tobey Maguire. Un acteur avec un physique bien particulier, presque ingrat tandis qu’il cumule les grimaces. Une vision plus crédible du serial looser qu’est Peter Parker avant de devenir Spider-man. Un choix qui aura tout de même divisé les fans. D’autant plus avec les libertés prises par Raimi (comme cette danse génialement improbable dans Spider-man 3). À ses côtés, Kirsten Dunst offre beaucoup de personnalité à son personnage, pourtant limité à une jeune fille en détresse. Sans oublier un J. K. Simmons, parfait en Jonah Jameson, le directeur du Daily Planet.
Bien sûr, les films se nourrissent des comics d’origine. Mais c’est surement grâce à eux que certains éléments ont été aussi popularisés. Comme la fameuse phrase « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités », réplique aujourd’hui aussi culte que « Je suis ton père ». De même que visuellement, Raimi a fait de belles trouvailles. Outre l’arrêt du train, l’inconscient collectif se souviendra toujours du premier baiser avec Mary Jane. Certainement l’un des plus célèbres du cinéma. Le genre de séquence qui manque cruellement dans les productions actuelles. Le genre de saga dont on se sent orphelin depuis trop longtemps.