L'univers de "Shining" est devenu un élément central de la culture moderne. Le roman de Stephen King, sorti en 1977, a évolué en véritable référence. A l'occasion de la sortie de "Doctor Sleep", il est temps de faire un retour sur ce mythe, de sa genèse en papier, à ses différentes adaptations cinématographiques.
Shining est aujourd'hui indissociable de la culture générale. Même ceux qui n'ont pas vu le film ou lu le livre connaissent cette histoire d'épouvante irrémédiablement culte. Que ce soit le nom de Jack Torrance, le classique « Redrum » ou encore quelques visions de l'Overlook, l'univers de Shining est partout. Même dans le Ready Player One de Steven Spielberg. L'occasion de revenir, en gros plan, sur cet univers.
Shining : Stephen King vs Stanley Kubrick
Shining, L'Enfant Lumière est le troisième roman publié par Stephen King. L'idée lui vient alors qu'il séjourne dans un hôtel avec sa famille. Celui-ci ferme ses portes le lendemain de leur départ pour l'époque hivernale. Pendant leur séjour, sa famille et lui-même demeurent les seuls clients. Une nuit, Stephen King cauchemarde et voit son fils poursuivit par une lance incendie devant la chambre 217. De là lui vient les grandes lignes de Shining. Ce fameux roman est une référence dans l'univers fantastique. Son histoire traite de la désintégration de la cellule familiale, thème récurant chez King. La triple menace de l'alcoolisme, du divorce et de la folie plane sur le jeune Danny Torrance, qui possède les pouvoirs du Shining. Bref, le roman de Stephen King est l'un des plus connus de la littérature moderne. En 1980, Stanley Kubrick se lance alors dans une adaptation du roman.
Porté par Jack Nicholson, le long-métrage est un monstre sacré du cinéma. Le genre de film inévitable dans une culture cinématographique. Un classique indémodable, terrifiant, passionnant. La vision artistique d’un cinéaste aliéné et libre. La vision personnelle d’un roman culte. Apparitions fantastiques, hallucinations, meurtres, violence, le tout orchestré par une musique toujours magnifique et une photographie parfaite, Shining est une œuvre profonde et insondable. Une tension dingue règne sur cet hôtel, et les visions artistiques sont sublimes.
Pourtant, Stephen King déteste cette adaptation pour son manque de fidélité à son œuvre. Stanley Kubrick a pris de nombreuses libertés avec le roman, notamment dans sa conclusion. C'est une œuvre à la dimension abyssale, où le génie de Stanley Kubrick prend tout son sens. Le film a totalement effacé la vision du romancier, à tel point que ce dernier, énervé, a écrit et produit sa propre adaptation. C'est ainsi qu'en 1997, sort sur ABC Shining : Les Couloirs de la Peur. Réalisé par Mick Garris sur un scénario de Stephen King, cette mini-série en trois parties de 87 minutes a pour but principal d'éclipser la vision de Kubrick.
Room 237 : une explication intéressante au génie de Kubrick
Le Shining de Stanley Kubrick n'a cessé d'alimenter la légende. Un mythe entier du septième art, que tente d'expliquer Rodney Ascher à travers son documentaire Room 237. Du nom de la fameuse chambre d'hôtel de l'histoire, ce film est une analyse poussée de l’œuvre de Stephen King. C'est un reportage profond, qui tente de mettre en lumière les intentions du réalisateur. Un travail ambitieux que de rentrer dans l'esprit fou d'un cinéaste unique. Rodney Ascher n'a pas forcément la science infuse, et certaines de ses analyses se fondent parfois sur le fantasme et le folklore, mais il n'empêche que Room 237 permet d'alimenter le mythe de Shining comme aucune autre œuvre.
Rodney Ascher, accompagné de spécialistes en tout genre, aborde énormément de thématiques. Il exprime comment Kubrick a mis en place un tel film. Il évoque par exemple comment le cinéaste a volontairement glissé des faux raccords dans son métrage pour jouer sur l'inconscient du spectateur, pour créer en lui une notion de perte instinctive. Une idée mécanique absolument géniale. Il aborde la théorie du complot qui stipule que Kubrick a tourné l'alunissage de Apollo 11, en affirmant qu'il aurait glissé des indices dans ce sens dans Shining. Rodney Ascher affirme que Shining peut se superposer et se regarder dans les deux sens, confirmant que les images se répondent. Il aborde le massacre des amérindiens ou la mythologie du minotaure. Bref, on en passe et des meilleurs, mais Room 237 est truffé d'easter eggs volontaires ou inventés, pour le plus grand plaisir des fans.
Doctor Sleep : la suite de trop ?
En 2013, Stephen King revient dans son univers de prédilection. Il écrit Doctor Sleep, la suite officielle de Shining. Pour l'occasion, il décide de raconter les tribulations de Danny Torrance, une fois l'âge adulte atteint. Son passé le rattrape, et alors qu'il a renoncé à ses pouvoirs, il doit retourner dans les ténèbres pour aider une petite fille. Le roman rencontre un franc succès en se plaçant à la première place de la New York Times Best Seller List. Il se classe à la 2e place des meilleures ventes littéraires de 2013 avec 942 000 exemplaires écoulés. Enfin, Doctor Sleep remporte le prix Bram Stoker du Meilleur roman 2013 et le Goodreads Choice Award 2013 du Meilleur livre d'horreur.
En 2019, Mike Flanagan se lance dans l'adaptation de Doctor Sleep. Le long-métrage reçoit des critiques mitigées. En même temps, c'est un pari risqué de conforter les fans des versions papiers, et les fans de l'adaptation de Kubrick, qui ne sont pas le même type de public. Le cinéaste offre ainsi son lot d'hommages, en refaisant même des séquences de Shining. Danny Lloyd, l’interprète de Danny Torrance dans Shining, a été surpris de revoir des plans où il évoluait :
Ça a l'air vraiment bon ! J'étais curieux, parce qu'il y avait un équilibre à trouver entre Stephen King et Stanley Kubrick. Il semble qu'ils ont trouvé le moyen de rendre hommage aux deux.
Mike Flanagan a d’ailleurs dû batailler face à Stephen King pour le convaincre que Doctor Sleep devrait être une suite du Shining de Stanley Kubrick, très connu du grand public. L'auteur, qui a toujours détesté cette adaptation, a fini par craquer. Le cinéaste n'oublie pas des références multiples au roman. Il va même jusqu'à ramener Jack Torrance, qui prend pour l'occasion les traits de Henry Thomas. Il s'agit de l'acteur fétiche de Mike Flanagan, et accessoirement le héros de E.T. Malheureusement, Doctor Sleep n'atteint pas la profondeur de Shining, restant un divertissement efficace, mais à des années lumières du génie de Stanley Kubrick...
Doctor Sleep est à découvrir dans les salles à partir du 30 octobre 2019.